SPA 1906
Belgique – 2024
Genre : Policier
Dessinateur : Olivier Wozniak
Scénariste : Patrick Weber
Nombre de pages : 64 pages
Éditeur : Anspach
Date de sortie : 8 novembre 2024
LE PITCH
Spa, 1906. La très cossue et très huppée station thermale belge est en effervescence : un mystérieux maître chanteur menace la haute société locale de révéler d’embarrassants secrets. Plusieurs notables ont ainsi reçu des courriers menaçants signés par un certain Pierre Le Grand. Même la famille royale belge pourrait être éclaboussée ! Face au déshonneur, plusieurs notables se sont déjà suicidés. La réputation de la cité thermale est en jeu. Pour ne pas effrayer les riches curistes, l’affaire est minimisée par la police locale avant tout désireuse de ne pas déclencher la panique. Un scrupule dont n’a cure le célèbre commissaire Hendrikus Ansor.
Ansor reprend l’enquête
Après Ostende 1905, Patrick Weber et Olivier Wozniak reviennent aux enquêtes de leur détective belge Hendrikus Ansor pour une seconde aventure toujours aussi élégante, prenante et agréablement rétro, dans le décor pas si relaxant que cela de la ville balnéaire de Spa.
Ce nouvel album, c’est avant tout une certaine forme de retrouvailles avec un enquêteur à l’ancienne. Pas plus homme d’action que cela, mais surtout un détective patient, réfléchis et tranquille, maniant autant l’humour déguisé que la séduction avec ses dames et bien entendu la bonne table. Un hommage non déguisé, forcément, à l’illustre Hercule Poirot, auquel Ansor empreinte pas que ses origines belges (Agatha Christie nous disait même qu’il avait grandi dans la région de Spa… hasard ?). C’est une question d’esprit et d’époque, ici LA belle époque, avant que la Première Guerre Mondiale ne gâche tout. Grand pratiquant de la ligne claire, Olivier Wozniak (Ma Belle-mère et moi, Gordini…) prend manifestement un immense plaisir à reproduire cette riche cité des belles heures du royaume belge, son architecture haussmannienne, ses contours arts-nouveaux, les costumes chics et décontractés de ses habitants, tout autant que la petite vie entre aristocratie, bourgeoisie, services de maison et quartiers pauvres. Des illustrations documentées, évocatrices, mais jamais figées ou trop photoréaliste, accompagnées justement par ce trait juste et épuré que l’on retrouve à la perfection dans les contours des nombreux personnages, existants ou non, qui parsèment l’album.
C’est l’heure du bain
Charmant et plein de finesse, académique mais juste comme il faut, Spa 1906 renoue, sans s’y perdre, avec une école classique de la BD franco-belge, jouant sur un découpage gaufré sobre et des dialogues très présents tissant une enquête extrêmement bien construite, entre menace de coup d’état sur la couronne, chantage sur les notables de la ville et remous venus des mouvements anarchiques. Reprenant un peu la formule des aventures de l’hôtesse de l’air Kathleen élaborées avec Baudouin Deville, Patrick Weber sait marier la grande et la petite histoire, disséminant de nombreuses références à de véritables faits historiques et à l’état politique de l’Europe d’avant-guerre. Avec son flegme pas encore tout à fait légendaire, Ansor titille le chef de la police locale, louvoie avec les têtes couronnées dans la tourmente, s’associe à un journaliste entêté, accepte de tomber dans un piège pour de jolis yeux, commande quelques bons plats et remonte peu à peu le fil, l’air de rien, de cette succession de vrai-faux suicides, commandités par un maitre chanteur aux mille visages. Un soupçon de théâtre et d’escamotage à la clef qui feront inévitablement penser à une autre référence du genre : Sherlock Holmes.
Une lecture particulièrement plaisante, sophistiquée même serions nous tentés de dire, qui s’achève par un cahier documentaire compilant textes historiques et photos d’époque autant pour poursuivre l’exploration que pour affirmer le talent du duo d’auteurs.