SORCIÈRES T.1

魔女 – Japon – 2003 / 2004
Genre : Fantastique
Dessinateur : Daisuke Igarashi
Scénariste : Daisuke Igarashi
Nombre de pages : 192 pages
Éditeur : Delcourt / Tonkam
Date de sortie : 14 mai 2025
LE PITCH
Fascinantes, mystérieuses, épouvantables, vengeresses, protectrices… autant de qualificatifs pour décrire les sorcières que Daisuke Igarashi prend un malin plaisir à mettre en scène au travers des six histoires qu’il nous propose dans ce diptyque. Il dresse ainsi, avec son trait cauchemardesque et hypnotisant, des portraits de femmes qui tiennent « Le secret du monde au creux de leurs mains ».
Femmes magiques
Déjà publiée en deux tomes par Casterman en 2006 et 2007, la mini-série anthologique Sorcières signée par le délicat et poétique Daisuke Igarashi revient chez Delcourt / Tonkam dans la collection Monlight Manga où l’attendent déjà les plus célèbres Enfants de la mer et Petite forêt.
Connu au Japon sous le titre de Majo et prépublié dans le magazine Ikki des éditions Shôgakukan, Sorcières est donc une série un peu à part dans l’ouvre de Daisuke Igarashi puisqu’il ne s’agit pas d’une longue histoire mais bien d’une compilation de plusieurs nouvelles explorant un seul et même thème : la sorcière. Dans ce premier tome, on retrouve donc trois histoires distinctes, de tailles et d’intérêt fluctuants, oscillant entre le récit purement mystique et quasi-apocalyptique, l’évocation déchirante des ravages perpétrés dans la forêt amazonienne et le simple petit conte léger venant simplement donner corps à la vision d’une petite sorcière se promenant à dos d’oiseau. Du plus complexe au plus simple, Sorcières porte cependant nettement la marque de son auteur, jouant toujours autant sur son trait fébrile, tremblotant, comme griffonné au stylo à bille. Il fait naitre une multitude de sensations et un semblant de mouvement constant, et distillant constamment une impression de porosité entre le monde réel, pour ne pas dire réaliste, et un fantastique naturel. Une certaine forme d’onirisme, de contemplation poétique capturant avec beaucoup de sincérité le fourmillement des rues d’Istanbul, la puissance sauvage de la jungle… mais aussi quelques petits trésors d’architectures ou de visions chamaniques.
Trois petits tours et puis s’en va
Les amateurs de l’illustrateur ne peuvent qu’être aux anges ici, ce dernier explorant des rives qui lui étaient plutôt étrangères, mais dont il capture admirablement les atmosphères, mais aussi une certaine noirceur. On peut cependant se montrer un peu plus réservé sur les histoires proprement dites. En particulièrement sur Spindle (Fuseau) qui en deux parties seulement brasse énormément de concepts et de personnages, de références mystiques et historiques, dans la célèbre ville de Turquie appelée il y a bien longtemps Constantinople, quitte à nous perdre un peu en cours de route. Les images sont belles, et les tableaux infernaux indéniablement réussis mais la destinée de cette sorcière blonde et blessée ne convainc jamais vraiment. On sera facilement beaucoup plus touché par le destin dramatique d’une jeune shaman d’une tribu amazonienne, dernier rempart contre les ravages perpétrés par les politiques, les militaires, les industriels et l’occident sur son pays sauvage, qui bien entendu donne lieu à une fable écologique frontale et brutale. Plus court (un seul chapitre), plus simple (le bien contre le mal), Kuarup laisse entrevoir ce qu’aurait pu être Sorcières, réflexion autour de figures féminines fortes et incarnées, porte-étendards de causes pour lesquels certains n’hésiteraient pas à les sacrifier : une modernisation de la femme magique, d’une icône païenne qui n’a jamais été aussi sacrée. A vérifier si le second volume se montre un peu plus cohérent.