La tranchée est le seul et unique monde de nos protagonistes. Une ligne droite gigantesque, creusée dans la glace, infinie, et dont les préceptes déconseillent fortement de partir trop loin en quête d’un commencement et d’une finalité. Un camp humain perdu dans cette immensité, quelques rares veilles machines laissées là par les « engelés », des chiens sauvages comme prédateurs et seuls gibiers… Et pourtant Miliken et Mae vont bien être obligées de partir à la découverte au-delà de ces frontières, maintenant qu’une silhouette robotique a massacré leur village et les traque, elles et leur père, sur les terres interdites. On ne change pas un Jeff Lemire qui gagne, et l’auteur place comme toujours en première ligne le récit d’une famille, puis d’une sororité, face à l’adversité et surtout face aux mensonges des uns et des autres. Tout ce qui leur a été inculqué n’était effectivement que tromperies, à diverses échelles, et les épreuves qu’elles vont devoir traversés sont plus ou moins dues à certaines actions et secrets de leurs parents et même à un héritage oublié dans le temps.

Y a comme un courant d’air

Redécouvrir ses vraies racines, réaliser ses propres forces et dépasser les erreurs des parents, Snow Angels suit assez aisément son sillon tout droit bien gravé dans la neige vers l’émancipation des deux gamines, constamment poussées en avant par la nécessitée de survie. Même là, le scénariste ne prend pas vraiment de risque, leur lâchant aux trousses un croquemitaine futuriste dont on devine assez rapidement la véritable nature, des machines qui réagissent à leur ADN une autre tribu de survivant qui va se hâter de les transformer en sacrifices providentiels et des entités autochtones qui n’en demandaient pas tant. Le cheminement de Snow Angels n’est pas vraiment une surprise, la conclusion encore moins, mais heureusement Lemire a un certain savoir-faire dans ce type d’exercice et délivre une aventure qui va droit au but, assez nerveuse et âpre mais où effectivement manque tout de même un petit soupçon d’originalité. Artiste à l’approche plutôt atypique, brusque et chaotique, Jock (Scalped, The Losers…) aurait pu apporter effectivement cette note en plus. Si là encore une certaine efficacité est de mise, ses planches ploient étonnement sous les masses de noirs plutôt que les blancs attendus, ne rendant jamais vraiment cette sensation de froid dévorant qui assaille les personnages. Il délivre aussi quelques designs SF trop générique pour rester dans les esprits et redonner un peu de relief à la mini-série.

Ça se lit très bien, mais on ne peut qu’être un peu déçu devant la prestation globale. Une publication en note mineure pour ces deux talents des comics.