SIN CITY T.1&2
Sin City : The Hard Goodbye, Sin City A Dame to Kill for – États-Unis – 1991, 1994
Genre : Policier
Dessinateur : Frank Miller
Scénariste : Frank Miller
Nombre de pages : 232 et 208 pages
Éditeur : Huggin & Muninn
Date de sortie : 22 septembre 2023
LE PITCH
Il n’y a aucune lumière dans un endroit comme Sin City ; on n’y trouve que misère, crime, perversion… Pourtant, au milieu de la crasse et des dégénérés, Marv, un ex-taulard massif et instable, a trouvé un ange. Goldie, une déesse qui a offert à ce misérable voyou une nuit de paradis. Et voilà qu’elle meurt, assassinée à ses côtés, sans le moindre indice sur son corps. Pourquoi ? Les flics sont déjà en route – ça sent le traquenard, et cette fois ils ne le laisseront pas vivre. Celui qui a tué Goldie, qui que ce soit… va payer.
Dwight est un homme qui n’a que son travail de détective minable et des souvenirs… des choses qui auraient pu être de l’amour et de toutes les erreurs qu’il a commises. Il donnerait n’importe quoi pour sortir de l’enfer gris et indifférent qu’est devenu sa vie. Et puis, un jour, un de ces plus beaux souvenirs appelle… Ava appelle.
Ces enfants de salauds
Les volumes de Sin City n’étaient plus édités depuis le début des années 2000. Ce classique de la BD américaine moderne passe aujourd’hui dans le catalogue d’Huggin & Muninn avec à la clef des éditions souples standards et des volumes collector cartonnés, mais aussi une nouvelle traduction, plus pêchue, signée par le romancier Henry Loevensbruck (Les Disparus de Blackmore, Le Loup des cordeliers…).
Réinventeur des figures de Daredevil, Batman et même Wolverine au cours des années 80, Frank Miller arrive au bout d’un cycle au début des années 90 et n’en peut clairement plus d’un marché entièrement tourné vers les super-héros. Ronin ou Martha Washington montrent déjà l’envie de s’extraire d’un système fermé et d’imposer ses propres univers. Prépublié presque avec discrétion dans les pages de la revue anthologique Dark Horse Presents, Sin City est immédiatement un choc chez le public autant que dans le milieu de la BD américaine. Là, il repousse plus loin que jamais ses expérimentations graphiques, sa recherche constante de contrastes et une épure qui n’a d’égale que dans la sur-stylisation du moindre détail, de la moindre ligne, de la moindre forme. Des planches d’un noir et blanc sans compromis, dont les variations de gris auraient violemment été expulsées, où les aplats sculptent les corps avec une dureté anguleuse tout en se montrant d’une extraordinaire finesse dans l’évocation des atmosphères et les extrapolations du décor. Les corps se font lumières dans un monde de ténèbres, des pleins dans un monde de vide, et chaque page s’approche du chef d’œuvre, du monument graphique, exacerbation outrée et fascinante du modèle absolu de l’artiste : le Spirit de Will Eisner.
Assurance sur la mort
A sa manière, il revisite à son tour l’univers du roman noir, mais en s’enfonçant totalement dans les eaux saumâtres d’une ville gangrénée par le mal, viciée par le péché et habité par des âmes perdues. Bienvenu à Sin City, la cité pourrie par définition ou seuls semblent exister des quartiers mal famés, des bâtiments en ruines, des terrains vagues désaffectés le tout écrasé par les grands buildings détenus par la famille Roark, corrompue et malsaine cela va de soi. Le décor est posé et Frank Miller va alors y suivre à pas, plusieurs figures propres au genre du polar hard boiled, chacun emporté dans sa quête de vengeance, de violence, de vérité ou prêt à se jeter dans les griffes d’une femme, et qu’il va s’amuser à faire se croiser et coexister dans une œuvre puzzle ludique et organique. Le premier c’est bien entendu Marv, gigantesque masse de muscles et de brutalité, obsédé par la superbe Goldie qui vient de se donner à lui, mais qu’il retrouve morte dans son lit au petit matin. Poursuivi comme bouc émissaire, il met son doigt dans un engrenage implacable, découvre la vérité la plus sordide qui soit pour finir presque heureux et soulagé sur la chaise électrique. Le second c’est Dwight, photographe spécialiste du chantage lubrique, hanté par Ava, ex-compagne et déesse manipulatrice qui le pousse à assassiner son mari, soi-disant un sadique la torturant nuit et jour.
Femmes fatales et souvent double, flics implacables, privés aux trenchcoat élimés, bars dégueux, hommes de mains sadiques, strip-teaseuses hypnotiques (aaah Nancy), mais aussi psychopathes, cannibales, pédophiles et une armée de prostituée au sein de laquelle apparait la tueuse Miho… L’univers noir de Frank Miller est autant habité par les fantômes de Mickey Spillane et du vieil Hollywood, que par les effluves de la série B et du manga. Le résultat est toujours aussi unique, brillant, excitant et désespéré.
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