Dans un futur proche, l’humanité a découvert un trou de ver qui permet de relier notre Terre à un monde lointain et étrange, une autre planète appelée Terminus. Naturellement l’humanité s’empresse d’y envoyer une tête de pont et d’installer une zone protégée (la Green zone) dans l’optique d’y découvrir de nouvelles ressources lucratives et pourquoi pas s’y installer durablement. Forcément rien ne va se passer comme prévu et à peine débarquée avec un bataillon de soldats endurcies, la première journaliste envoyée sur place voit ses acolytes se faire trucider en quelques pages. Seule survivante, la voici obligée de plonger dans les secrets de cet autre monde et de tenter d’en comprendre la nature pour espérer s’en sortir. D’un démarrage à la Aliens ou Starship Troopers, le scénariste fait rapidement bifurquer son aventure vers un Voyage en terre (totalement) inconnu, où la pauvre Robin s’étonne d’apercevoir tristement une civilisation aussi injuste et inégale que la nôtre, autre dictature où une population surarmée exploite l’autre. Sur fond de légère réflexion métaphysique (la religion est très présente à Terminus) et d’évocation nihiliste de la nature humaine, Si vous lisez ceci je suis déjà morte est surtout particulièrement pertinent lorsqu’il éclaire une autre manière d’aborder les confrontations culturelles.

Civil War

Faisant directement échos au passé et présent colonialiste occidental, et américain en particulier, les trois chapitres qui composent l’album démontrent comment l’apprentissage du langage, l’immersion dans la réalité et les coutumes de l’autre, peuvent rapidement faire la différence. Quelques notes d’espoir dans une aventure qui reste essentiellement sombre et violente, mais qui de par sa nature de mini-série à souvent tendance à aller beaucoup trop vite, à ne pas donner le temps à l’approfondissement et à l’exploration des différentes strates de cette planète vivante, amoindrissant alors forcément ses effets et surtout les révélations du dernier tiers. Trop de raccourcis, trop d’ellipses, trop de thèmes et de pistes qui se superposent sans vraiment aller au bout de leur cheminement, un tel scénario aurait sans doute mérité au moins le double de pages pour prendre toute sa dimension et crédibiliser son allégorie politique. Un peu dommage, surtout qu’avec son trait à la fois très européen dans ses contours et ses matières, et américain dans son efficacité et ses références, l’anglais Dan McDaid (Doctor Who, Dawn of the Planet of the Apes, Kneel before Zod…) imprègne véritablement ses planches d’une atmosphère décalée et décadente étonnante. On est très loin du space opera standard ici, tant tout semble organique et sale, glauque et écrasant, officiant un mariage intriguant entre la démesure à la Jack Kirby et les délires cauchemardesques et gothiques d’H.P. Lovecraft. Les couleurs toutes en nuances et les textures rétro de Bill Crabtee (Invincible) parachèvent effectivement cette idée d’un détournement des classiques.

Pas totalement abouti soit, mais avec tout de même pas mal de petites choses à déguster.