SHIBATARIAN T.1
シバタリアン – Japon – 2023
Genre : Horreur
Dessinateur : Katsuya Iwamuro
Scénariste : Katsuya Iwamuro
Nombre de pages : 208 pages
Éditeur : Panini
Date de sortie : 29 octobre 2024
LE PITCH
Sato Hajime est collégien. Un jour, il découvre un corps semi-enterré sous un cerisier en fleurs. C’est celui de Shibata. Les deux adolescents vont rapidement sympathiser au point de devenir inséparables. Sato prend conscience que personne ne semble connaître ou même remarquer Shibata.
Mon ami Shibata
Apparu au Japon sur la plateforme Shonen Jump +, Shibatarian est un bien curieux manga. Une petite historiette fantastique qui vrille au cauchemar d’autant plus obsédant que tout y semble anodin… jusqu’au point de non-retour. Un manga d’horreur qui détonne certainement avec les codes habituels du genre.
L’horreur peut venir de n’importe où. Des lieux les plus communs, des décors les plus chaleureux et des personnes les plus insoupçonnables. Shibata est un élève discret, presque invisible, mais bon camarade, généreux, fidèle… extrêmement. Et lorsqu’il décide de tenir une promesse faite cinq ans plus tôt à son meilleur ami Sato Hajime, le carnage peut commencer. De chronique adolescente un peu curieuse (leur rencontre se fait sous un cerisier alors que Shibata est y enterré jusqu’à la tête) à pure délire horrifique, la première œuvre de Katsuya Iwamuro a su justement profiter du rythme de publication online et de la moindre exigence commerciale, pour prendre véritablement son temps et installer tranquillement son petit délire. La première partie est donc bel et bien une histoire d’amitié où l’on ne sait jamais vraiment si Shibata est réel ou pas, mais qui permet en filigrane d’explorer certaines mécaniques adolescentes et en particulier ce besoin maladif pour certains de se conformer à l’esprit de groupe. Justement parce qu’ils refusent de s’y plier, Sato et Shibata, rejoints ensuite par la camarade Watari, sont victimes de dédains, de moqueries et de harcèlements. Un trio de laissés-pour-compte, mais où pointe déjà cette étrangeté d’un film tourné durant l’été dont on ne verra jamais une seule image… comme si lui non plus n’existait pas. En colère que personne ne veut qu’il soit projeté, Sato évoque alors un nouveau film dans lequel ils prendraient leur revanche sur leurs camarades de classe… et sur le monde.
Tous les Shibata du monde
Un coup de sang d’ado, vite oublié…. Et pourtant cinq ans plus tard, Shibata réapparait de nulle part, bien décidé à réaliser ce terrible souhait. Le récit bascule dès lors de le trip cauchemardesque, les anciennes connaissances se faisant trucider une à une brutalement, Sato et Watari se faisant courser d’un bout à l’autre de la ville par une armée de Shibata. De l’intime à une invasion plus globale, qui plus est retransmise en direct à la télévision. Par accumulation d’apparitions, de transformations, de duplicata et de doppelganger, le visage ovale, souriant, aux grands yeux écarquillés de la tête toujours niaise de ce dernier, devient proprement terrifiante, doté d’un coté angélique et psychotique profondément déstabilisant. Toute la réussite de Shibatarian provient justement, comme chez David Lynch par exemple, de cette proximité entre une normalité reconnaissable, et une inconcevabilité qui semble peu à peu prendre le pouvoir sur tout le reste. Le mangaka, cependant plutôt faible du côté des dessins, peut alors se permettre toutes les outrances (le Shibata bodybuildé qui balance des têtes décapitées, les chenilles mutantes ou le chien avec la tête de Shibata…) et étoffer considérablement un mystère qui se fait de plus en plus épais, tour à tour ridicule ou atroce, mais toujours grotesque, cruel et déstabilisant.
Une publication vraiment intrigante où l’on se demande constamment où les évènements vont nous mener. Il reste trois tomes à venir pour le savoir.