SHERLOCK HOLMES ET LES MYSTÈRES DE LONDRES T.1 : LA NOYÉE DE LA TAMISES
France – 2023
Genre : Policier
Dessinateur : Michel Suro
Scénariste : Jean-Pierre Pécau
Nombre de pages : 56 pages
Éditeur : Soleil Éditions
Date de sortie : 19 avril 2023
LE PITCH
Une jeune fille est retrouvée morte, noyée dans la Tamise. Elle porte un masque étrange sur le visage. Aussitôt, les autorités pensent à la communauté jamaïcaine de l’East End, mais le célèbre détective n’est pas d’accord. Pour étayer ses dires, il va faire appel à Felix Fénéon, spécialiste des masques anciens, mais qui est poursuivi pour avoir posé une bombe dans un restaurant parisien !
Un dernier problème ?
Le plus grand des détectives revient (encore et encore… toujours) en BD pour une nouvelle aventure inédite signée Jean-Pierre Pécau (Soleil Froid, Les Reines de sang, Jour J…) et Michel Suro (West Legends, Le Siècle des ombres…). Une affaire entre Londres et Paris, entre politique et légendes urbaines qui sait aussi prendre le pouls de l’histoire.
Il y a quelques années Soleil avec lancé une grande collection intitulée 1800 dans laquelle l’univers imaginé par Conan Doyle se dotait de quelques libertés, parfois très fantastiques, parfois plus historiques avec les grands canons de romans et nouvelles. Clairement ce nouvel album s’y serait intégré pleinement. Non pas parce qu’il confronte l’enquête à quelques créatures comme les vampires ou les loups-garous, mais parce qu’il s’enfonce dans les ombres de cette grande citée d’Europe et les dotes de contours inquiétants. Avec un soupçon de mystique, Pécau place ainsi un tueur de petites filles, qui coud les orifices de leurs cadavres, les recouvre d’une jolie robe et de masques tribaux, avant de les jeter comme offrande dans la Tamise. En parallèle, les effluves de Jack L’éventreur s’attardent dans les mémoires alors que son inspiration principale, la légende du spring-heeled jack (aka Jack Talon-à-ressors) repointe le bout de son nez dans les témoignages. A la lisière, mais jamais vraiment dans le fantastique, Sherlock Holmes et les mystères de Londres s’amuse aussi à croiser de manière assez logique quelques authentiques figures historiques comme Oscar Wilde, Toulouse Lautrec ou le moins célèbre Félix Fénéon, journaliste spécialiste des arts africains et anarchiste reconnu. Afin d’inscrire sa trame dans un contexte plus complexe, épais sans doute, mais aussi pour éclairer d’une autre façon le personnage de Sherlock Holmes.
L’homme qui grimpait
Malgré son statut d’aventure apocryphe, l’essai veut revenir à un Holmes à l’humour froid, presque espiègle avec Watson, et dont les opinions politiques et le regard porté sur la justice et les règles civilisées sont beaucoup plus ambiguë que celles habituellement illustrées. Le voici donc au cœur du mouvement révolutionnaire (annonçant la monté du communisme en Europe), faisant alliance avec quelques réseaux douteux pour avancer dans son enquête. Une approche intéressante qui ne s’impose jamais sur une trame policière pour l’instant parfaitement efficace et prenante, pleine de mystère et de potentiel. On est sans doute un peu moins convaincu par les deux gros emprunts (c’est en l’occurrence beaucoup plus que du clin d’œil) à des références plus modernes que sont Eyes Wide Shut (pour la scène de l’orgie) et M Le Maudit qui sortent un peu trop de l’ambiance. Mais Pécau prend ici manifestement un très grand plaisir à revisiter un personnage qu’il avait déjà brillamment animé dans la série M.O.R.I.A.R.T.Y. Un plaisir qu’il partage avec l’illustrateur Michel Suro, tout en souplesse, qui réussit à marier la précision historique (décors, ressemblance des visages…) avec la dynamique d’un album plus atmosphérique voir même animé par l’action. De quoi largement se prendre au jeu et quetter la suite.