SHADOW HILLS
Etats-Unis – 2023
Genre : Fantastique
Dessinateur : Sean Ford
Scénariste : Sean Ford
Nombre de pages : 224 pages
Éditeur : Editions Delcourt
Date de sortie : 13 mars 2024
LE PITCH
L’histoire suit deux sœurs, Anne et Dana, qui sont séparées enfants lorsque Dana disparaît. Nous suivons chaque sœur dans des chronologies distinctes : Dana dans le passé et Anne dans le présent. Jusqu’au jour où une peste éclate et cette épidémie semble avoir un lien avec l’entreprise de fracturation hydraulique où une grande partie de la ville, Shadow Hills, est employée…
Strange Town
Révélé il y a plus de dix ans par Only Skin (édité en France par Rackam), Sean Ford livre sa seconde grande création. Un nouveau « conte de lente apocalypse » où le mal qui ronge la petite ville de Shadow Hills prend l’apparence d’une huile noire qui recouvre ses victimes.
Fondateur et signature de la revue anthologique américaine Sunday, Sean Ford est tout de même un artiste qui se fait rare et qui semble d’ailleurs enfanter ses créations dans la douleur. Le précédent Only Skin lui avait demandé 5 ans d’efforts, Shadow Hills semble avoir été plus compliqué encore à mettre en forme. Un gros volume de plus de 200 pages tout de même, mais qui effectivement à la lecture semble beaucoup moins fluide et évident que son premier album. Shadow Hills débute ainsi sur une rencontre entre une jeune fille et un petit garçon aux airs perdus qu’elle appellera K et qui finira par l’emmener explorer les sous-sols de la ville. Mise de côté. Une adolescente traverse la campagne étouffant sous une terrifiante masse noire qui la recouvre intégralement et ses amis, un peu rebelles un peu fumettes, vont tenter de trouver un remède. Mise de côté. Anne retrouve Cal, un ami d’enfance qui avait tenté de quitter la ville et son désespoir, mais qui a fini par revenir en manque de racine et d’argent. Il tombe dans un trou béant qui s’ouvre dans le sol. Mise de côté.
Faisant constamment des allers-retours entre deux temporalités différentes, alternant les personnages et les évènements qui se déroulent souvent en simultané dans la ville, Sean Ford ne fait pas vraiment d’effort pour tenter de simplifier la lecture préférant manifestement installer une atmosphère à la fois pesante et mélancolique, terriblement fataliste.
Comme des champignons
Dans Shadow Hills tout semble être voué à disparaitre, autant en étant recouvert par la fameuse substance qui s’échappe des orifices de ses victimes, qu’en sombrant au font d’une crevasse, ou plus classiquement emporté par le temps et l’oubli. Le récit d’ailleurs, qui clairement reprend les grandes lignes d’Only Skin, veut constamment mettre en parallèle le récit catastrophe disposé en surface avec une apocalypse plus intime nourrie par des récits familiaux bouleversés, par des destins brisés et la maladie et la mort qui emporte tout dans un cycle infini. Ambitieux, l’auteur ajoute à tout cela un sous-texte social sur la disparition des petites communautés américaines, mais aussi des considérations écologiques mettant en garde contre certaines pratiques industrielles (ici donc la fracturation hydraulique…), mais finalement ne semble jamais totalement aller au bout de ses réflexions. Comme un shaker où Sean Ford aurait jeté tous ses questionnements du moment, espérant qu’une réponse ou qu’une cohésion magique s’en échappe. En l’état, Shadow Hills semble quelque-peu cafouilleux, souvent gratuitement abstrait, cultivant un univers très personnel qui même visuellement manque tout de même de précision et de constance. Le style très naïf de ses planches, la propension à un découpage très aéré, contemplatif cherchant le contraste entre des contours presque enfantins avec l’étrangeté des évènements, s’inscrit dans la ligné d’artistes comme Charles Burns ou Daniel Clowes mais sans en retrouver totalement la force et la maturité.