SÉLÉNIE
France – 2021
Genre : Science-fiction
Scénariste : Fabrice Lebeault
Illustrateur : Fabrice Lebeault
Editeur : Delcourt
Pages : 72 pages
Date de Sortie : 12 mai 2021
LE PITCH
Dans un futur lointain, alors que la Terre est dévastée par un envahisseur extraterrestre, une communauté terrienne vit réfugiée sous un dôme situé sur la face cachée de la Lune. Lorsqu’un vaisseau s’abîme à faible distance, trois jeunes gens dotés d’étranges pouvoirs, Verne, Méliès, et la fougueuse Sélénie, partent à sa recherche. A la clé de cette expédition ? Le secret de leurs origines…
De la lune à la terre
Il y a des auteurs qui semblent résister à tout, aux modes, aux tendances… Créateur de la série SF rétro Horologiom, Fabrice Lebeault fait partie de ceux-là. Un artiste qui cultive une certaine âme française et l’emporte avec lui jusqu’à la lune.
Ainsi Fabrice Lebeault fait partie de ces ultimes résistant qui continuent coûte que coûte de pratiquer la fameuse ligne claire, celle de la BD franco-belge alors à même encore non teintée de la nervosité comics ou de l’amplitude manga. Les planches sont resserrées, finement détaillées, élégamment tracées avec un trait assez pur, délicat, accompagnées de couleurs apposés en aplats. Un voyage dans le temps comme souvent avec cet auteur qui ne peut s’empêcher de citer ouvertement ses mentors graphiques tels que Hergé ou Moebius. On les aurait de toute façon reconnus dans ces visions insolites d’un satellite habité par une humanité sous cloche, ainsi que dans ces étranges créatures, hippocampes terrestres géants, humanoïdes aux visages sur le nombril, qui peuplent un monde plus poétique qu’inquiétant, plus exotique qu’aventureux. En renouant avec l’esprit des pulps d’autrefois, de Buck Rodgers au Rayon U en passant certainement par Stefan Wul, Fabrice Lebeault semble rechercher constamment les échos d’un fantasme. Celui d’une époque où la lune était encore cet astre lointain et étrange, berceau d’une imagination fertile où les créateurs n’avaient pas à se heurter aux premières découvertes scientifiques.
On a habité sur la Lune
Rien d’étonnant à ce que les personnages masculins qui accompagnent Sélénie (pierre de gypse ou descendantes des sélénites) se prénomment Verne et Méliès et que leur « père » et protecteur, Cacochyme est une face en croissant de Lune et passe son temps à lire Les Aventures du Baron de Münchhausen. Une trame de références loin d’être envahissante puisqu’elle se lie avec une réinterprétation franche de nombres de codes du genre (la colonie perdue, la guerre terminale, les androïdes, les extraterrestres, les robots…) pour accoucher d’un voyage fantaisiste, d’un récit dont le voyage à travers les plaines lunaires va venir révéler la véritable nature de ce monde et par ricochet le devenir de la Terre qui semble désormais si inaccessible. On touche ici du doigt le cinéma de René Laloux (Les Maîtres du temps), dans cette manière si particulière de teinter une création graphique assez lumineuse, presque enfantine, avec des questions et des valeurs beaucoup plus adultes, voir métaphysiques. Les dernières planches, peu radieuses, sont pourtant les plus touchantes, les plus frappantes, celle d’un deuil et d’un choix.
Un album raffiné, qui aurait pu effectivement être publié il y a plusieurs dizaines d’années, mais qui par son identité affirmée, dévoile un retour vers le futur des plus oniriques.