SAPIENS IMPERIUM
France – 2021
Genre : Science-Fiction
Scénariste : Sam Timel
Illustrateur : Jorge Miguel
Editeur : Les Humanoïdes associés
Pages : 120 pages
Date de Sortie : 16 juin 2021
LE PITCH
Spoliés de tous leurs droits par l’Imperium, le peuple Khelek et leurs alliés survivent depuis plusieurs générations dans les entrailles de Tazma, la planète-prison. Malgré les rivalités qui divisent les siens et l’exploitation que leur font subir leurs geôliers, l‘espoir subsiste dans le cœur de la jeune Xinthia. Après tout, son frère n’a-t-il pas déjà réussi à fuir vers les étoiles ?
Détérrés vivants
Alors qu’on apprend que la revue mythique Métal Hurlant s’apprête à re-renaître de ses cendres, Les Humanoïdes associés font aussi vibrer la tradition avec l’album Sapiens Imperium, premier cycle complet d’une fresque spatiale des plus prometteuses.
Si le décorum de l’album est plus que fortement ancré dans une science-fiction classique, nouveau rejeton pas si loin des empires décadents de Dune et du spectaculaire d’un Star Wars, l’idée du point de départ est venue au scénariste par l’entremise d’une véritable injustice humaine. « En 1972, le roi du Maroc Hassan II échappe à un attentat organisé par un proche, le général Oufkir. Ce dernier est exécuté, mais l’histoire ne s’arrête pas là : sa femme et ses six enfants, dont le plus jeune est alors âgée de trois ans, sont jetés dans un cachot dont ils ne sortiront que dix-neuf ans plus tard. C’est à partir de cet évènement d’une violence inouïe que j’ai imaginé le destin des « damnés de Tazma ». Sam Timel, auteur américain qui a pris ses marques en France sur la série polar Milan K., imagine alors une forme d’éternel recommencement dans un très lointain futur. Des familles entières exilées dans les galeries souterraines d’une planète prison dont ils ne voient jamais la surface. Un récit d’évasion, logique, écho d’une condition humaine toujours écrasée par quelques puissants et des raisons économiques (seuls une forme d’esclavage permet leur survie) qui se satisfait pleinement pour constituer une aventure conséquente, mais que Timel va prendre un malin plaisir à faire constamment évoluer, alors que Xinthia, sa famille et les derniers survivant s’approchent de plus en plus de la liberté.
Les enfants du métal
Un effet de zoom arrière lent et progressif qui remet régulièrement en jeu les perspectives laissant à découvrir peu à peu l’organisation politique d’un Imperium menacé, la confrontation constante entre les deux fils héritiers, les trahisons de l’un et l’humanité de l’autre. La trame glissera alors jusqu’à une échappée sur une planète refuge, véritable Éden perdu qui sera là aussi gâché par des visiteurs extérieurs, touristes adeptes de safaris planétaires. Un retour à une brutale réalité qui ne lâche jamais vraiment la trame, constamment frappée par l’injustice, la tragédie et la mort. Plus d’une centaine de pages d’autant plus denses et palpitantes qu’elle manient les ellipses bien placées, les sauts dans le temps percutants, là où d’autres auraient sans doute opté pour une poignée d’albums beaucoup plus lents et pas forcément plus convaincants dans la présentation du background, des technologies futuristes ou des espèces aliens. Une crédibilité portée tout autant par le travail visuel exceptionnel de Jorge Miguel, artiste portugais révélé par la comédie Z comme Zombie de Jerry Frissen et affirmé sur le space opera Les Décastés d’Orion. Certains avait parfois crédité son style d’un certain académisme, mais son trait ferme et souple, l’anatomie précise de ses personnages humains et non humains, la finesse de ses méchas et l’imagination de ses décors plus ou moins extraterrestres sont surtout à rapprocher de la tradition de l’éditeur Les Humanoïdes Associés (pour lequel il a essentiellement œuvré) et des voyages empiriques de Jodorowsky en compagnie de Moebius, Arno ou Janjetov. Sapiens Imperium, le début d’une grande saga futuriste, marquée par le passé.