SANDMAN : THE DREAMING T.1
The Sandman Universe #1, Sandman The Dreaming #1-9 – Etats-Unis – 2018/2019
Genre : Fantastique
Scénariste : Simon Spurrier
Illustrateur : Bilquis Evely, Abigail Larson
Editeur : Urban Comics
Pages : 280 pages
Date de Sortie : 11 février 2022
LE PITCH
Le Royaume des Rêves a été abandonné par son roi, ses frontières sont à feu et à sang, son gardien sombre dans la folie, ses sujets s’entredéchirent pour préserver ce qui peut l’être… Mais le vrai cauchemar est encore à venir. Une menace tapie dans l’ombre depuis plus d’un siècle émerge des ténèbres pour remodeler le Royaume des Rêves à son image, sombre et sanglante.
Voleurs de rêve
Après être revenu en personne conter la prequelle de sa saga comics phare avec Sandman Ouverture, Neil Gaiman passe la main et laisse ses enfants s’ébattre joyeusement dans un Sandman Universe que DC n’est pas prêt de lâcher avant le lancement de l’adaptation produite par Netflix. Confiée aux bons soins de Simon Spurrier, la destinée de Dream va en surprendre plus d’un.
Au programme de ce Sandman Universe donc, une poignée de nouvelles séries revenant explorer les ramifications de Sandman et évoquer les belles heures de Vertigo : House of Whispers, Lucifer, Book of Magic auxquels vient se rattacher assez logiquement la relance de Hellblazer et plus curieusement les reprises de Locke & Key et prochainement la nouvelle série de James Tynion IV, Nightmare Country, dédiée au Corinthien. Titre central et venant forcément charpenter tout cela, Sandman The Dreaming se déroule une trentaine d’années après la fin de la précédente série et plante à nouveau ses pieds dans l’univers des rêves. Un royaume que Daniel, dernière incarnation de Morphée, a une nouvelle fois déserté laissant ses sujets désemparés devant le chaos qui brise peu à peu toutes les règles auxquels ils étaient habitués. Si Neil Gaiman est noté en gros sur les couvertures, il ne supervise que de très loin les évolutions de sa création, laissant à l’excellent Simon Spurrier (Hellblazer, Coda, Le Beffroi…) le soin d’y donner un nouveau souffle. D’où un vrai changement de ton et d’orientation. Si l’univers en lui-même est respecté avec déférence et impressionne même parfois par l’utilisation de trames lointaines, Sandman The Dreaming se montre beaucoup plus classique et contemporain dans son écriture. Gaiman se laissait entrainer par son imagination, fascinait par une écriture libre et onirique, n’hésitait jamais à se complaire dans le contemplatif et la métaphysique, là où Spurrier opte pour une narration beaucoup plus charpentée, plus efficace et tendue vers un final déjà perceptible.
Tendres cauchemars
Une méthode éprouvée du scénariste et souvent parfaitement maitrisée, mais qui ici semble avoir un peu de mal à démarrer avec des premiers épisodes assez cafouilleux, rappelant à lui presque tous les personnages secondaires historiques (Lucien le libraire, Matthew le corbeau, les frères Abel et Caïn, Eve…) y ajoutant sans introduction l’excellente et charismatique Dora (jeune femme insaisissable et délicieusement colérique) et mettant très lentement ses pièces en place. Ce n’est effectivement qu’à partir du moment où les explications commencent à poindre leur nez, et que les raisons de l’absence de Sandman sont abordées, que la série décolle vraiment et devient passionnante. Encore un peu inégal dans ce premier volume de l’intégrale (il n’y en aura que deux), Sandman The Dreaming, surprend aussi par un déroulé beaucoup plus sombre, voir même cynique, offrant même au terrible Juge Potence, vieux cauchemar né des pulsions xénophobes et haineuses, de saisir les oripeaux du pouvoir et installer, un temps, son ordre de nouveau. Spurrier expérimente, marie ses connaissances encyclopédiques de l’univers de Neil Gaiman avec une certaine forme d’irrévérence qui forcément ne peut pas plaire à toute le monde.
Autre preuve que les temps changent, fini les successions d’illustrateurs débutants ou de seconde zone comme durent le subir les épisodes des années 90, avec ici la présence essentielle de l’illustratrice Bilquis Evely (Supergirl Woman of Tomorrow, Doc Savage, Wonder Woman), qui tout en préservant la magie du titre, en cultivant ses plus beaux délires fantasmagoriques, apporte une précision et une finesse admirable. Et pour ceux qui voudraient des peintures plus conceptuelles et poétiques, les couvertures de Jae Lee offrent un bon palliatif à l’absence de Dave McKean. Peut-être faut-il alors effectivement ces 10 premiers chapitres pour faire son deuil d’un Sandman qui ne sera plus et accepter la naissance d’un nouveau… Le second volume à venir nous le dira.