SANDMAN : DEATH
A Death Gallery, Death: The High Cost of Living (1993) #1-3 Death: The Time of Your Life #1-3, The Sandman #8 & 20, The Sandman: Endless Nights, Vertigo: Winter’s Edge #2 – Etats-Unis – 1989 / 2003
Genre : Fantastique
Scénariste : Neil Gaiman
Illustrateurs : Mike Dringenberg, Colleen Doran, Chris Bachalo, Jeff Jones, P. Craig Russel, Dave McKean
Editeur : Urban comics
Pages : 368 pages
Date de Sortie : 03 décembre 2021
LE PITCH
Une fois par siècle, Mort parcourt la Terre pour mieux comprendre ceux dont elle recueillera les dernières paroles. Sous la forme d’une jeune mortelle nommée Didi, elle se liera tour à tour avec une adolescente, aidera une sans abri de 250 ans à retrouver son cœur perdu et encouragera une jeune étoile montante de la musique luttant pour dévoiler son orientation sexuelle.
La jeune fille est la mort
Crée par Neil Gaiman au sein des pages de son Sandman, Death et ses allures de jeune femme piquante aux allures gothiques, a vite inspiré son auteur. Des apparitions récurrentes dans la série mère certes, mais aussi deux mini-séries dédiées, des à cotés plus rares et de nombreuses illustrations confiées aux meilleurs artistes… Tous ou presque sont réunis ici dans un recueil aux airs d’intégrale.
N’en déplaise au reste de la famille des Éternels, l’entité Death est sans doute celle qui a connu le plus grand écho auprès des lecteurs. Certes Sandman reste le personnage principal de cet univers onirique. Certes Lucifer a rapidement connu sa propre série comics avant d’exploser sur le petit écran. Mais Death a ce petit quelque-chose en plus. Pas uniquement une bouille mignonne, une apparence fragile et un look qui a inspiré nombres de dessinateurs, mais surtout un regard rafraîchissant sur l’existence des êtres qu’elle rencontre, un véritable amour pour les humains et leur vie pleine de petites choses, une bienveillance qui donne effectivement envie de s’y abandonner. Mais c’est aussi une grande sœur qui doit parfois secouer un peu son grand frère un poil dépressif, comme le montrera avec humour sa première apparition dans Sandman #8, alors dessiné par Mike Dringenberg. Tout est déjà là, dans ce dialogue amusé entre elle et son frère, leur ballade partagé auprès des âmes que quelques pauvres êtres passés à trépas (dont un bébé qui s’étonne d’un « c’est tout ? »), dans laquelle elle n’esquive jamais la question de l’injustice de la mort, préférant la voir comme une fatalité, une réalité qui est, point. On pourrait s’étonner que certaines de ses apparitions dans les pages de Sandman, et donc dans les différentes intégrale dédiées, se retrouvent à nouveau ici, mais elles permettent sans doute de mieux comprendre l’entièreté de cette figure si humaine, mais finalement inaccessible comme son chapitre de The Sandman: Endless Nights (compilation faisant le tour de tous les membres de la famille avec des artistes en guest-star, ici P. Craig Russel) où elle attend patiemment sur le rocher d’une île vénitienne à la fois un jeune homme obsédé par son image depuis leur première rencontre, et un magicien qui lui échappe depuis des siècles, enfermé dans une bulle temporelle en forme de nuit éternelle.
Derniers vœux
Chez Neil Gaiman la poésie la plus terrienne et les évocations philosophiques se marient subtilement. Une simple journée passée comme une mortelle par Death, qui apprécie qu’on la nomme Didi, devient alors rapidement une grande leçon sur l’existence, sa simple beauté, son absurdité, son émerveillement, que Chris Bachalo (Steampunk, Generation X) sublime avec une douce modernité dans la mini-série The High Cost of Living. C’est lui d’ailleurs qui va lui offrir cet œil pétillant, légèrement aguichant, adolescent qui va rester dans les mémoires… sans doute parce qu’elle prend par la main le jeune Sexton, ado suicidaire et bien trop blasé pour son âge. Il reprend d’ailleurs assez logiquement le crayon pour le suivant, et plus beau encore, The Time of Your Life. Une jeune musicienne dans le vent, hésitant encore à faire son coming-out, et quelques personnages qui gravitent autour d’elle (sa compagne, leur enfant, son manager…) se retrouvent non pas embringuée dans une grande quête mystique (quoi que), mais dans une aventure des plus intimes. La force et la durabilité des sentiments, la gloire et l’identité, les erreurs passées et la rédemption, la famille et la liberté, la vie et la mort bien entendu, se mêlent sous les yeux affectueux de Death, ici plus témoin que véritable guide. Neil Gaiman touche au cœur, et achève de faire de sa personnification de la mort, à la fois très personnelle et universelle, la plus belle de toutes. Un détail qui souligne la place particulière qu’elle possède au sein de l’univers Sandman : chez les Eternels, elle est la seule à être accompagnée de simples phylactères, de bulles, comme pour souligner qu’elle est la plus humaine de tous.
Deux superbes mini-séries, une petite poignées d’épisodes incontournables, un petit cours de protection contre les MST en compagnie d’un John Constantine bien troublé, un conte hivernal apparu dans les pages de la revue anthologique Vertigo: Winter’s Edge… Le volume célèbre comme il se doit l’aura de cette douce mort incarnée. Il se conclut même par de nombreux croquis et recherches graphiques, mais aussi par une reproduction des pages du mini artbook A death Gallery où se croisent, les pinceaux de Dave McKean (forcément), Kent Williams, Jill Thompson, George Pratt, Bryan Talbot et… Moebius ! Madame est décidément bien servie.