SANDMAN : DEAD BOY DETECTIVES
Dead Boy Detectives #1-12 – Etats-Unis – 2014/2015
Genre : Fantastique
Dessinateur : Mark Buckingham
Scénariste : Toby Litt, Mark Buckingham
Nombre de pages : 272 pages
Éditeur : Urban Comics
Date de sortie : 29 novembre 2024
LE PITCH
Edwin Paine et Charles Roland ont beaucoup en commun : ce sont tous deux des écoliers anglais qui adorent les romans policiers, et ils ont eux-mêmes été amenés à résoudre des énigmes. Ils sont également tous les deux morts, une condition qui s’est avérée moins gênante qu’on ne pourrait le croire. Les deux garçons retournent à l’internat de St. Hilarions, pour percer les mystères de cet internat tyrannique et y font la rencontre de Crystal, une limier technophile.
Young Sherlocks
Apparus dans les pages de la série mère de Neil Gaiman Sandman et héros depuis avril dernier d’une série dédiée sur Netflix, les Dead Boy Detectives ont connu quelques aventures indépendantes en comics. Et celle que propose aujourd’hui Urban Comics est certainement la plus fructueuse et la plus inspirée.
Il ne s’agit au départ que de deux jeunes fantômes, victimes d’une éducation privée à l’anglaise, assassinés par leurs harceleurs sous le regard du directeur de l’établissement huppé de St. Hilarions, imaginés par Neil Gaiman pour offrir un angle plus intime et poétique aux terribles évènements qui soulevaient l’univers de son Sandman. Deux gamins hors du temps mais plein d’esprit, enquêteurs amateurs, que l’on recroisera parfois à l’occasion de quelques épisodes spéciaux, crossovers ou clin d’œil appuyés. Deux amis fidèles qui tout de même en 2014 eurent les honneurs d’une véritable maxi-série concoctée par le romancier Toby Litt et l’artiste Mark Buckingham, ici en l’occurrence co-auteur du scénario. Un dessinateur forcément très lié à l’univers du Fable de Bill Willingham, dont on retrouve très naturellement les inspirations art-nouveaux, la tonalité enchantée et constamment magique et l’humour moins naïf que toujours positif. Pas de Blanche neige ou de grand méchant loup à l’horizon, mais Edwin et Charles, qui vont rapidement croiser la route d’une nouvelle copine, Crystal, fille farfelue d’artistes allumés, présentant un quotidien peuplé de revenants et d’esprits en tous genres, d’incongruités brisant le scientifique pour rallier le philosophique, mais aussi quelques menaces plus consistantes entre des démons prenant la place de pauvres enfants ou des créatures maléfiques qui préparent leur ultimes conquêtes dans un monde frontière entre la vie et la mort.
Jusqu’à ce que la mort les sépare
Les deux auteurs tissent joliment les liens entre des péripéties d’apparences anodines, des rencontres charmantes avec d’autres anti-héros comme eux aux destins parfois dramatiques, mais pour toujours mieux montrer comment la bienveillance des uns et des autres, leur collaboration même au-delà de la mort, finit par venir à bout de tout. Naïf certes, mais tellement agréable, tellement joyeux, allègre et porté par l’imaginaire initial des mondes de Neil Gaiman, que le lecteur se laisse facilement emporter, s’amusant des facéties d’un chat habité par l’esprit d’un grand philosophe, touchant du doigt la nostalgie des tous premiers amours (d’autant plus compliqué que l’un est mort et l’autre pas), mais aussi suivant avec attention la quête personnelle de Charles Roland qui se découvre une demi-sœur (devenue bonze tant qu’à faire) et une tragédie familiale non-résolue. Magie et émotion, poésies et jolies réflexions sur l’existence, Dead Boy Detectives retrouve en note mineur l’équilibre et le ton si particuliers des comics Sandman. La ligne claire et caractéristique de Buckingham, sa propension à jouer avec la structure des cadres et les enchainements d’un plan d’existence à l’autre, ne sont certainement pas pour rien dans la jolie réussite de l’entreprise. D’ailleurs le dernier épisode en présence, dont il ne s’est chargé que des croquis préalables se montre bien plus fade.
Une belle surprise que cette série dédiée aux Dead Boy Detectives, bien plus riche et mémorable ici que dans leur série live, qui avait effectivement tout pour ouvrir la voie à une véritable publication régulière… Quand on en demande plus, c’est toujours bon signe.