SACRIFICE T.1
The Sacrificers #1-6 – Etats-Unis – 2023 / 2024
Genre : Fantastique
Dessinateur : Max Fiumara
Scénariste : Rick Remender
Nombre de pages : 176 pages
Éditeur : Urban Comics
Date de sortie : 24 mai 2024
LE PITCH
Il est possible de vivre dans un monde en harmonie, mais il faut payer le prix. Le prix est élevé, mais simple. Chaque foyer doit offrir un de ses enfants en sacrifice. Alors que l’échéance arrive, un fils qui n’a jamais été aimé par sa famille doit partir honorer cette dette, mais il ignore qu’il sera peut-être l’une des clefs qui pourra enfin briser ce cycle de souffrance…
Le prix du paradis
Nouveau titre proposé en grand format par Urban Comics dans sa gamme indie, Sacrifice, ou The Sacrificers en anglais, tient effectivement à nouveau de la démonstration graphique. Une fresque dans un monde unique, sauvage, beau mais terriblement inquiétant imaginé par Rick Remender (Fear Agent, Deadly Class…) et Max Fiumara (Lucifer, Abe Sapien…).
Même si la couverture choisie par Urban pour son édition s’avère très esthétique et stylisée, mettant en avant l’idée d’un voyage vers un ailleurs à la fois fantasy et étrange, elle ne semble pas vraiment à la hauteur du travail flamboyant développé par Max Fiumara sur chaque page. Un trait bourré de finesses et de mouvements, un sens du détail parfois particulièrement cruel, une colorisation particulièrement évocatrice, des cadres qui mettent toujours en avant les personnages ballottés dans un monde grandiose et bien entendu donc cette faculté à donner vie à un univers totalement atypique : des contrées peuplées de tribus humaines mais aussi d’autres beaucoup plus étonnantes (un peuple de pigeons humanoïdes, des gardes noirs décadents…) et vivant totalement sous le joug d’une caste de dieux inaccessibles. On y trouve un maitre de flamme faisant circuler le soleil dans le ciel et des personnifications des élans et des forces naturelles qui attendent comme tous les 20 ans la nouvelle moisson. Leurs ouailles vivent, du moins n’arrêtent-il pas de la dire, dans un paradis des plus confortables, et doivent simplement en échange de cette protection apporter régulièrement l’un des leurs pour les servir. Parmi ces mortels emportés vers l’inconnu, certains voient cela comme la promesse d’un bonheur nouveau ou comme un bel acte religieux, tandis que d’autres se méfient et s’inquiètent tout à fait légitiment.
Ouvrez la cage aux oiseaux…
Le lecteur plongé littéralement dans cet ailleurs des plus dépaysant, se retrouve alors dans la même position que ces derniers, ou que Soluna fille du roi des dieux Rokos, qui avancent très lentement vers la vérité. Rick Remender semble même prendre un plaisir tout à fait sadique dans les premiers chapitres à prendre son temps et à mettre ses pièces narratives en place, jouant sur l’ambiguïté de la doctrine religieuse, sur la méfiance envers les autorités, l’inquiétude face à l’inconnue, avant d’asséner une succession de révélations rapides et brutales dont nous nous garderons bien ici d’éventer la teneur. Scénariste des plus habiles, Remender ne compose pas seulement une grande toile de Fantasy (on pense beaucoup à Dark Crystal), mais construit aussi avec économie et minutie une cosmogonie de personnages aussi séduisante que prometteuse. Naturellement, égal à lui-même, l’auteur nourrit son texte et les pages de l’album de réflexions politiques, sur l’embrigadement, la propagande et l’obscurantisme religieux, le pouvoir obtenus par un confort trompeur, annonçant dans les derniers sursauts de ce premier album une confrontation plus directe en forme de lutte des classes, voir de révolution. Est-ce que cette brillante fable n’y perdra pas un peu de son originalité ? On attend attentivement la suite…