RIEN NE SERT DE M’AIMER
France – 2022
Genre : Drame
Scénariste : Jean-Christophe Morandeau
Illustrateur : Jean-Christophe Morandeau
Éditeur : La Boite à bulle
Pages : 320 pages
Date de Sortie : 01 juin 2022
LE PITCH
Elsa a bien changé depuis son enfance. Plus jeune, elle n’avait peur de rien, et défiait quiconque se mettait en travers de son chemin, ou de celui de ses amis. Mais depuis, quelque chose s’est cassé. Elsa est angoissée, tourmentée par des visions nocturnes qu’elle ne comprend pas.
Les secrets
Après la chronique sentimentale et gentiment érotique La Maison des blés, Jean-Christophe Morandeau repart de plus belle sur les traces d’une jeune femme d’aujourd’hui. Elsa, perdu entre une relation dans l’impasse, une enfance définitivement envolée et des cauchemars qui s’efforcent de la rappeler à un lointain souvenir. Un album aussi vif qu’une ligne tracée à l’encre de chine.
Il l’avait déjà prouvé avec La Maison dans les blés, où une jeunette faisait tourner la tête d’un homme d’âge mur en pleine remise en question, et sans doute plus encore avec le déchirant Noxolo sur une pauvre Sud-Africaine violée et battue à mort en raison de son orientation sexuelle : Jean-Christophe Morandeau a vraiment un don pour comprendre et offrir de superbes contours à ses personnages féminins. La Elsa de Rien ne sert de m’aimer n’est pas que très jolie, pleine d’esprit et espiègle, mais aussi une personne torturée, hantée par de lointains souvenirs, par un monde des possibles qui s’est effrité au contact de la vie et par un besoin masochiste de s’accrocher coûte que coûte à Joshua, homme marié plein de promesses mais beaucoup moins d’actions. Au bord de la rupture, pas très loin de s’enfoncer définitivement dans la névrose, Elsa doit reprendre le dessus, réapprendre à se connaitre pour guérir et avancer. C’est tout l’enjeu de Rien ne sert de m’aimer, drame psychologique qui a justement le mérite de ne jamais s’alourdir sur des explications psychanalytiques préférant laisser à son protagoniste de faire le chemin par elle-même.
Elsa et les garçons
Repas de famille tendus et plein de sous-entendus non avoués, retrouvailles avec la vieille bande de copains lardée de cicatrices et d’amours inassouvis, échappées sexuelles avec l’amant qui n’est que jamais que de passage, le récit reste constamment fait de petit riens, de petites segments, de petites scénettes mais réussit toujours à les rendre significatives, jamais gratuites. Et au milieu de cette pesanteur qui manque d’écraser la demoiselle, il y a l’apparition de « numéro 13 », voisin plein de bonnes intentions, informaticien et philosophe, patient et bienveillant qui entraine régulièrement l’album vers les rives beaucoup plus enjôlés de la comédie romantique. Ironiquement c’est peut-être dans ces moments que les petites fragilités du coup de crayon de l’auteur se font plus visible, lorsque les décors s’effacent vers le blanc et que les simples lignes des contours persistent. On est souvent beaucoup plus marquée par ses visions oniriques, ses déambulations urbaines, ses souvenirs plus opaques, où le noir et blanc contrasté tout en encre de chine vient sculpter les sentiments et bien entendu ces fameux flashbacks où la révélation pourrait enfin tout guérir.
Ces lourds secrets que l’on cache, ces réalités que l’ont tait sont toujours aussi destructeur. Un personnage particulièrement attachant, touchant, pour une BD qui se lit avec beaucoup de plaisir.