RICK AND MORTY VS. CTHULHU
Rick & Morty VS. Cthulhu #1-4 – Etats-Unis – 2023
Genre : Science-fiction, Comédie
Dessinateur : Troy Little
Scénariste : Jim Zub
Nombre de pages : 128 pages
Éditeur : Hi Comics
Date de sortie : 10 juillet 2024
LE PITCH
Quand leur maison se trouve infestée par une terreur ancestrale (voire indicible !), Rick Sanchez et la famille Smith vont devoir plonger dans l’enfer des contrées lovecraftiennes pour traquer et vaincre le Grand Ancien : Cthulhu.
Nya, nya, nyarlahotep
Véritable shaker de la pop culture la série animé d’Adult Swim, Rick and Morty, était étrangement resté à distance (excepté par une image du générique) de l’univers sombre, paranoïaque et délirant de H.P. Lovecraft. Certainement pas une question de déférence, peut-être d’inspiration. En tous cas les auteurs de Rick and Morty Vs. Dungeons & Dragons ici n’en manquent pas.
Lancées depuis 2015, les aventures de papier de papy et paumé n’ont bien entendu pas hésité à multiplier les croisements thématiques et les crossovers inédits comme celui en effet avec le célèbre jeu de rôle qu’Hi Comics a édité chez nous en deux tomes. Sympathique mais presque trop classique, trop attendu et curieusement un poil trop sage. Ici Jim Zub (Skullkickers, Wayward) et Troy Little (Drawing Blood, Powerpuff Girls…) mettent clairement la barre plus haute en s’attaquant à l’œuvre littéraire fourmillante de H.P. Lovecraft, dont l’imaginaire cauchemardesque à depuis longtemps contaminé nombres d’autres créateurs et créations, mais aussi à l’auteur lui-même. Car même si l’impact des nouvelles de ce dernier est colossal, il reste un gratte-papier quelque peu besogneux et surtout un petit bonhomme hanté par sa peur de l’autre… en particulier lorsqu’il est un peu bronzé. Des défauts que va s’empresser de rappeler constamment Rick, manifestement pas très grands fans de L’Affaire Charles Dexter Ward, et qui voit d’un très mauvais œil sa mythologie avilissante s’insinuer dans l’esprit des membres de sa famille après que le paternel ait entamé la lecture d’une sélection de ses meilleurs textes. En route alors pour l’univers parallèle fictif de H.P. Lovecraft dans le but de dézinguer les nouvelles les plus célèbres du bonhomme, les grands anciens et leur créateur en personne (si l’occasion se présente).
L’appel de Cthulhu en PCV
Naturellement rien ne va se passer comme prévu : Rick va être transformé en yith (créature tentaculaire et végétale très improbable), Morty devenir le fils adoptif de Dagon, Summer devient une guerrière au service de Nyarlahotep, Jerry s’enferme dans un délire traumatique et Beth est possédée par le puissant Cthulhu. Pas gagné. Et pourtant on le sait, tout cela finira sans doute dans un gros carnage, en orgie douteuse, en vaste n’importe quoi ou sans doute quelques innocents morfleront dans l’opération. Habitué de la licence, les deux auteurs manient parfaitement la dynamique qui relie les cinq protagonistes, ciblent parfaitement leurs aspects les plus pathétiques et malades, mais séduisent surtout pour leur réinterprétation de l’univers de Lovecraft. De la couleur venue d’ailleurs au Cauchemar d’Insmouth en passant par La Quête onirique de Kadath l’inconnue, les plus célèbres textes de l’auteur sont détournés, mélangés, perturbés voir atomisés par la famille Smith mais toujours avec un vrai respect pour les matériaux et quelques coups de lattes en direction du romancier. On retrouve alors tout ce qui fait le charme premier de la série animé, melting-pot de références savantes, absence totale de politiquement correcte, croisements abusés d’univers antinomiques, absence totale de limite et humour foutrement potache et de mauvais goût si possible.
Les fans de Rick and Morty trouveront alors dans cet album l’une de ses extensions les plus réussies, mais ce dernier pourrait aussi séduire les grands connaisseurs de l’œuvre de Lovecraft qui se gausseront des clins d’œil à foison (et toujours parfaitement négociés) et d’une aventure capharnaüm où on joue avec la mythologie lovecraftienne tout en discutant sa nature, ses sources et sa véritable part de ténèbres.