RETROACTIVE
France / Etats-Unis – 2022
Genre : Science-Fiction
Scénariste : Ibrahim Moustafa
Illustrateur : Ibrahim Moustafa
Éditeur : Les Humano
Pages : 136 pages
Date de Sortie : 02 mars 2022
LE PITCH
2054. Tarik est un fonctionnaire d’un genre particulier : son département utilise le voyage dans le temps pour modifier le passé et façonner le présent. Mais lorsque des anomalies se manifestent dans la ligne du temps, Tarik est chargé d’en découvrir la source. Avant cela, il lui faudra trouver comment s’échapper de la boucle temporelle dans laquelle il se retrouve piégé…
Time Laps
Après une relecture moderniste du Comte de Monte-Cristo avec L’évadé de C.I.D. Island, l’américain Ibrahim Moustafa retrouve les humanoïdes pour un nouveau voyage temporel avec RetroActive. Un thriller SF qui tourne en boucle, mais pour le coup c’est parfaitement volontaire.
Artiste croisé sur James Bond Origin, Doctor Fate ou Savage Things, Ibrahim Moustafa se fait aussi auteur lorsqu’il aborde les rives de la coproduction franco-américaine chez la maison Humano. Une certaine forme d’indépendance qui lui avait déjà bien réussi avec son album précédent, et qui se concrétise encore ici avec un thème sans doute plus casse-dents encore : le voyage dans le temps. Et en 2054 ce n’est manifestement plus de la science-fiction puisque toutes les grandes puissances s’y adonnent joyeusement pour mieux contrôler et protéger le passé… Du moins c’est ce que dis la communication officielle. Naturellement Tarik va peu à peu découvrir que certaines opérations sont tout à fait intéressées et que les multiples manipulations temporelles ne sont pas sans provoquer de dangereuses répercussions. S’ouvrant sur une première opération visant à protéger Hitler d’un assassinat par un traître de l’agence, RetroActive questionne forcément la nature même et les motivations du voyage dans le temps et le présente comme une nouvelle arme de dissuasion, et même comme un outil industriel, politique et idéologique. Une approche très complète du genre qui se dote aussi d’une caractérisation assez rare des personnages, insistant justement sur la personnalité du héros, ses liens avec sa mère, ses collègues, pour lui donner plus de poids et de crédibilité.
La maîtrise du temps
Autre point intéressant, Tarik est, comme Ibrahim Moustafa, d’origine maghrébine et cela est parfaitement amené dans le scénario y ajoutant une véracité, une sensibilité culturelle loin des WASP habituels, sans que cela ne soit jamais démonstratif. De bonnes qualités d’écriture, confirmées par la construction redoutable et habile que l’auteur va graduellement mettre en place, s’écartant rapidement d’une construction linéaire pour emboîter le pas aux allers-retours chronologiques et aux multiples répétitions cycliques dans lesquels Tarif semble parfois enfermé. Un album en forme de puzzle, mouvant et parfois perturbant, mais qui réussit à maintenir jusqu’au bout sa logique propre et à retomber, in fine, sur ses pieds. Pas si évidents tant il est facile de tomber dans le n’importe quoi et le ridicule avec les voyages dans le temps en fiction. Mais comme le dit si bien le dessinateur Phil Hester dans son introduction, Ibrahim Moustafa est un artiste exigeant et RetroActive réussit à se maintenir constamment dans le crédible, même lorsque des agents venus du futur se trimballent en combinaisons futuristes. Ses planches étonnement toujours teintés de contours presque européens, cultive d’ailleurs de la même façon une certaine forme de sobriété dans les costumes et décors, dans les attitudes des personnages et dans le développement de l’action renforçant encore et toujours cette sensation d’évènement possibles et proches. Une BD solide et prenante.