RED ROOM T.1 : LE RÉSEAU ANTISOCIAL
Red Room #1-4 – États-Unis – 2021
Genre : Horreur
Scénariste : Ed Piskor
Illustrateur : Ed Piskor
Éditeur : Delcourt
Pages : 208 pages
Date de Sortie : 28 septembre 2022
LE PITCH
Goblin est un dérangé qui diffuse sur sa chaîne des actes de tortures innommables à l’abri dans les zones d’ombre du Dark Web. Son public le soutient à coup de Bitcoin et de commentaires salaces. Davis Fairfield, lui, enterre sa femme et sa cadette renversées par un ivrogne et se retrouve en charge de sa dernière fille, Brianna. Vous n’êtes pas prêts pour cette Amérique dépeinte par Ed Piskor…
ça va trancher chéri !
Pour lecteurs avertis. L’information n’est pas là pour un coup de pub mais pour mettre en garde contre un contenu extrêmement violent, trash, sadique et malsain. Une évocation 2.0 de la culture du snuff qui réveille les souvenirs d’une BD underground salace et de video nasties échangées sous le manteau. Bon Appétit.
Si Ed Piskor a signé pour la maison Marvel un X-Men : Gand Design remarqué, voir même quelques guest du coté de Transformers ou Avengers, il fait définitivement partie de ces artistes américains qui maintiennent leur place en marge de l’industrie classique. Collaborateur d’Harvey Pekar sur American Splendor ou Macedonia, il a aussi produit une chronique historique et culturelle du rap multi-primée avec Hip Hop Family Tree. Grand admirateur d’une certaine BD américaine, celle des années 80-90 travaillée dans des noirs et blancs s’incrustant directement dans la page comme le The Crow de James O’Barr, le Faust de Tim Vigil ou même les premiers Tortues Ninja de Keven Eastman, il en retrouve ici plus que jamais la rudesse, la frénésie et la forme brutale avec Red Room, extrêmement crade et disproportionné, faussement brouillon et débordant, mais solidement travaillé et sculpté. Une approche graphique qui voyage dans le temps, se raccrochant tout aussi bien aux mythiques publications EC Comics, pour mieux venir chatouiller un nerf vagal particulièrement malmené au cours de la lecture. Car la Red Room est un point de rendez-vous sur le Dark Net pour les amateurs de snuff, de meurtres et de tortures en direct, que les fanatiques alimentent comme des camgirls par bitcoin dégoulinants, commentant et s’excitant sauvagement sur le spectacle qui leur est offert.
Gerbe pailletée
Toute l’âme sordide d’une certaine humanité, fascinée par la mort, la violence, la gratuité et la barbarie la plus extrême que Piskor photographie plein cadre, s’appesantissant autant sur les sévices mis en scènes que l’abjection totale qui l’a nourrie et le plaisir écœurant qu’elle provoque chez certains. Amputations, énucléations, cannibalisme, corps détruits à l’acide, à la hache, au scalpel, à la main, effectués par un défilé de bourreaux masqué comme des monstres de vieux slashers qui prélèvent leurs victimes dans des élevages inhumains de victimes consanguins. Les amateurs des romans de la collection Gore, les collectionneurs des titres Uncut Video et les nostalgiques du mondo italien ne peuvent qu’apprécier cette capacité rare à ne jamais détourner le regard en mêlant une gratuité dérangeante avec une construction progressive mais efficace d’un arrière-monde terriblement crédible. Les quatre numéros regroupés ici (et agrémentés de croquis, versions préparatoires et notes de l’auteur), propose ainsi des récits indépendants, mais où peu à peu les personnages et les actions vont se croiser ou s’entrechoquer, dessinant le modèle économique de la Red Room, mais aussi ses origines sur VHS et informatique, les enquêtes menées par le FBI pour la faire tomber et la mécanique d’aliénation qui l’accompagne. L’humour noir y est naturellement présent dans le ridicule de certains costumes, de certaines situations, dans l’irone cruelle des récits et d’une absence totale de morale. Ce n’est pas ici qu’il faut chercher un Happy End. Et comme le début n’est pas plus joyeux, Red Room est à réserver aux estomacs bien accrochés. Vous voilà prévenus donc.