Après avoir installé graduellement leur nouveau duo de choc durant les trois premiers albums de la série, Ed Brubaker et Sean Phillips (Fatale, Fondu au noir, Pulp, Criminal…) ont ainsi fait le pari de séparer les deux collègues et amis le temps de quelques mois et d’une enquête pour chacun d’eux. Bien entendu dans ces cas-là, il n’est pas question de petites affaires classiques, mais bien de rencontres et de remises en question qui vont permettre d’éclairer les personnages de manière plus intime que jamais. Pourtant dans les grandes lignes Descente aux enfers est certainement le volume le moins étonnant des Reckless : Une jeune épouse disparait quelques jours après le tremblement de terre dévastateur qui a frappé San Francisco en 1989, un voisin d’Ethan (à qui il devait un service) l’engage pour la retrouver, mais rapidement il est évident que la dame à opté pour un chemin dangereux et mortel. Une sombre histoire de vengeance à laquelle Ethan, autant pour son sens de la justice que pour les beaux yeux de Rachel, va finir par embrasser jusqu’au bout. 

Kill List

Plus direct et porté sur l’action que les autres, le récit permet cependant d’observer un Ethan dont les principes sont malmenés et le détachement plus perturbé que jamais. Une histoire qu’Ed Brubaker va même entrainer jusqu’en 2004 dans un flashforward aussi étonnant que logique, explorant comment cette rencontre a finalement hanté les deux personnages. Cela permet aussi au scénariste de revenir sur le thème difficile des sévices sexuels subits par les femmes, et les jeunes filles en particulier, sujet récurent et toujours traités avec mesure et justesse dans son œuvre. On a ainsi parfois l’impression dans Descente aux enfers de rester en terrain connu. Mais un terrain connu toujours aussi solidement et brillamment écrit, fier et dur polar hard boiled au romantisme nostalgique bien senti. Une atmosphère toujours aussi admirablement servie par l’incontournable Sean Phillips (colorisé avec talent par le frangin Jacob) qui capture avec finesse et un réalisme impressionniste une Amérique 80’s très loin des clichée télévisés de l’époque.

On sent en effet poindre la décennie suivante plus noire et lucide. Il n’est pas tout à fait étonnant dès lors que Brubaker annonce aux lecteurs dans sa post-face que tous deux vont faire une petite pause dans l’univers de Reckless, pour se consacrer à d’autres projets en commun. Anna et Ethan reviendront eux plus tard, il nous le promet. Y a intérêt.