RECKLESS
Etats-Unis – 2020
Genre : Policier
Scénariste : Ed Brubaker
Illustrateur : Sean Phillips
Editeur : Delcourt
Pages : 144 pages
Date de Sortie : 06 octobre 2021
LE PITCH
Ethan Reckless est un ancien étudiant radical. Son job? Régler les problèmes. Toutes sortes de problèmes, quels qu’ils soient… à condition d’y mettre le prix. Les activités d’Ethan Reckless lui ont fait rouler sa bosse, comme on dit. Et il ne craint pas grand-chose… Si ce n’est que son passé le rattrape. Et cela semble bien être le cas…
Hero to hired
Le duo à l’origine de Criminal, Fondu au noir, Pulp, Fatale et autres comics noirs et savamment corsés, livre sa nouvelle virée du côté des polars hard boiled avec Reckless, Graphic Novel d’un bloc et qui se déguste comme une rasade de whiskey on the rocks.
Faut-il vraiment encore présenter l’équipe redoutable formée par Ed Brubaker et Sean Phillips ? Un mariage entre la plume acérée de l’un et l’atmosphère racée de l’autre, qui résonne comme une évidence, surtout lorsqu’il lorgne vers les romans de gare, ces vieux récits de détectives éreintés se perdant dans des affaires troubles et tortueuses. On pourrait alors regretter que parfois leurs titres finissent par être bien posés dans leurs rails, presque prisonniers de cette signature, efficaces mais du coup légèrement attendus. Ce premier album qui marque l’apparition d’un nouveau personnage récurent, le bien nommé Ethan Reckless donc, a cependant immédiatement marqué par une petite différence. Là où leurs créations précédentes cheminaient le long du sentier habituel des comics avec une première publication en fascicules puis une réédition en recueil, Brubaker et Phillips ont profité de la fermeture des comics shop lors des premiers confinements pour imposer un format Graphic Novel immédiat. 144 pages qui ne s’imposent plus les chapitres bien agencés toutes les vingt pages, et se déroulent plus que jamais comme l’un des romans hard boiled dont ils sont si friands. La couverture stylée frappe l’ambition d’un sceau qui ne sera jamais démentie ici : celle de retrouver l’atmosphère suffocante du Lors Angeles du début des années 80, de naviguer entre les effluves suaves du néo-noir et les textures plus brutales et vives de l’exploitation.
Point break
Le choix de l’époque n’a rien d’anodin, ni de l’effet de mode, puisqu’il installe justement une distance avec les rêves des années 70, ses revendications sociétales et politiques, ses lendemains qui chantent, remplacés par la glorieuse décennie du pognon. Une fracture qui habite douloureusement Ethan Reckless, ancien agent du FBI sous couverture dans un mouvement hippie, devenu depuis héros à louer entre deux échappées sur son surf. C’est bien entendu son passé qui va revenir ici, une femme, seul amour de sa vie dont il ne garde à la suite d’un accident qu’un souvenir parcellaire, sans émotion, du seul amour de sa vie. Pour Rainy il est prêt à briser ses propres règles, se mettre en danger, agacer ses anciens collègues du gouvernement et replonger dans une affaire qu’il pensait avoir laisser loin derrière lui. Femme fatale, trafiquants intouchables, surveillance globale de la CIA… L’enquête rejoue bien entendu tous les passages obligés, jusqu’à l’inévitable voix off, mais le fait à la perfection certainement grâce en grande partie à la personnalité tranchante de son anti-héros. Plus rien ne semble l’atteindre, l’émouvoir et le faire souffrir, et sa propension à la violence reste bien entendu la clef d’un climax méchamment sanglant et jusqu’au-boutiste. Ça tombe bien, ce personnage ultra charismatique, on le retrouvera rapidement pour une plongée dans le milieu glauque du cinéma pour le prochain Friend of the Devil (A Reckless Book), lui-même suivi de deux autres volumes déjà achevés ou prévus.