Retour en 1999 donc alors qu’une certaine revue Weekly Shonen Jump installait confortablement sa nouvelle série star One Piece aux sommets des ventes. En face la Kodansha et son concurrent hebdomadaire Weekly Shonen Magazine pense avoir trouvé la poule aux œufs d’or avec le jeune auteur Hiro Mashima, alors à l’origine de quelques courtes histoires, qui répond à la demande en imaginant sa toute première série : Rave. Une autre aventure insulaire avec un héros tout en fraicheur (et en naïveté), un gang de méchants délinquants jamais très loin des pirates et des pouvoirs oubliés à reconquérir… Si la création d’Eiichiro Oda plane lourdement durant les premiers chapitres, ce sont aussi tous les codes incontournables du shonen qui façonnent la « groove adventure » avec les rencontres successives de nouveaux compagnons ayant chacun leurs attributs (mais qui, on le sait, devront s’écarter devant le héro lors des gros combats) et un lore fait d’artefacts ultra puissants répartis entre les Raves (positif) et les Dark Bring (négatifs).

Premier livre de contes

Encore assez fragile graphiquement avec des corps pas toujours maitrisés, des visages un peu fades et des décors relativement vides, Hiro Mashima révise clairement ses gammes dans les premières pages de Rave s’engouffrant dans tous les clichés et les attributs traditionnels du shonen avec en ligne de mire le grand maitre Akira Toryama naturellement. Cela n’empêche pas la lecture d’être très sympathique avec une trame qui ne se disperse pas dans une mise en place trop longue (finalement Haru embrasse son destin avec beaucoup de bonnes volontés), des rencontres qui s’enchaînent à bon rythme (ici Elie et Musica rejoignent déjà le périple) et les scènes d’actions, révélant pour la première fois les pouvoirs des raves, ne manquent pas. Surtout, le mangaka distille aussi quelques touches vraiment personnelles avec des personnages secondaires farfelus et quelques bestioles bizarroïdes comme Plue le quadrupède avec un nez en forme de foreuse ou Nakajima la décoration de porte en forme de soleil qui parle. L’auteur le reconnait lui-même dans la postface de cette édition, Rave n’a rien d’un chef d’œuvre, mais elle reste une œuvre qui va se bonifier avec le temps alors que le coup de crayon de l’artiste va se raffermir peu à peu et que l’univers même de l’aventure va se développer considérablement, donnant surtout une épaisseur assez inattendue aux habituelles forces du mal, déjouant le manichéisme basique du genre.

S’il n’a certainement pas atteint la longévité de l’opposant One Piece, Rave aura tout de même duré six bonnes années, connu une adaptation animée et même un crossover évènement avec Fairy Tales publié en 2011 et qui sera à son tour transformé en OAV dans la foulée. Pas si mal pour une œuvre de jeunesse.