RAIN
Rain #1-5 – États-Unis – 2022
Genre : Science-Fiction, Drame
Dessinateur : Zoe Thorogood
Scénariste : David M. Booher
Nombre de pages : 160 pages
Éditeur : Hi Comics
Date de sortie : 13 septembre 2023
LE PITCH
À Boulder dans le Colorado, le ciel est dégagé et Honeysuckle Speck ne pourrait pas être plus heureuse. En cette journée d’aout ensoleillée, elle emménage enfin avec sa petite amie Yolanda. Mais quand le rêve tourne au cauchemar et que des nuages sombres s’accumulent libérant une pluie de clous qui déchiquettent la peau de ceux qui ne sont pas protégés, leur monde vole littéralement en éclat.
Comme des rasoirs
Si le papa Stephen King voit toutes, ou presque, ses œuvres adaptées au cinéma, le fiston Joe Hill c’est plutôt du coté de la BD que ça se passe. Voici donc une autre de ses nouvelles, tirée de son recueil Drôle de temps, mélange de noirceur, d’ironie tranchante et de tendresse, superbement mis en valeur cette fois-ci par la très prometteuse Zoe Thorogood.
Une jeune artiste déjà sacrée « révélation de l’année » aux Eisner Awards 2023 (elle était nommée pour cinq titres !) et dont les albums The Impending Blindness of Billie Scott et It’s Lonely at the Center of the Earth ont largement fait sensation. Un graphisme fragile, un peu brusque parfois dans les détours, doté d’une forme de juvénilité encore adolescente, mais dont justement les apparences fraiches, douces et colorées, cachent admirablement douleurs et violences des personnages qu’elle décrit et des mondes qui les entourent. Un jeu de contraste entre la pureté visible de ses héroïnes et la cruauté réaliste qui les attends. Une dessinatrice forcément idéale pour se charger de l’adaptation de Rain, nouvelle version de l’apocalypse que Joe Hill fait tomber sur le monde sous la forme d’averses de cristaux acérés et mortels. Vaguement inspirés de probabilités scientifiques, le concept est surtout une extrapolation des plus graphiques et physiques des dérèglements climatiques actuels et futurs. Dans l’introduction qu’il livre en début du présent volume, Joe Hill se défend d’avoir construit une histoire à thèse, mais ne cache pas non plus sa préoccupation pour la question écologique et surtout son inquiétude face à l’absence de prise de conscience de beaucoup.
Adieux monde tranchant
Des sentiments qui transpirent encore dans cette version comic rédigée fidèlement par David M. Booher (All-New Firefly, Canto…), où l’on se moque ironiquement de la bêtise d’un ancien président américain communiquant par tweets, où l’on révèle dans l’adversité les pires travers des contemporains (entre propension au repli, au sectarisme, au racisme et à l’homophobie), et où seule finalement une petite poignée de survivants se révèle digne d’humanité. Héroïne de Rain, Honeyscuckle vient de perdre l’amour de sa vie et sa mère d’adoption et pourtant elle ne lâche rien et part sur la route pour retrouver son beau-père. Un chemin terrible pour faire son deuil et préserver un semblant de famille. Mais elle n’est pas tout à fait seule et croise Marc Desport, ancien combattant de la MMA mais plutôt tendre, et Templeton, adorable gamin qu’une maladie obligerait à devoir se cacher du soleil. Un mini-Dracula lui aussi obligé de grandir à vitesse grand V. Une petite équipe qui doit traverser des paysages réduits à des chemins cloutés, à quelques tableaux macabres, et s’attendre aux pires révélations. Plutôt étonnantes d’ailleurs, celles-ci changent un peu des habituelles explications du genre, et ramène à nouveau toute la nature du récit à un cœur intime et rageux.
Une très jolie proposition particulièrement bien portée par une protagoniste particulièrement touchante et vibrante et par une illustratrice atypique et pleine de promesse.