RAHAN INTÉGRALE NOIR ET BLANC T.1
France – 1969/1971
Genre : Aventure
Scénariste : Roger Lécureux
Illustrateur : André Chéret
Editeur : Soleil
Pages : 600 pages
Date de Sortie : 17 novembre 2021
LE PITCH
Les aventures de Rahan, fils des âges farouches, fils de Craô, héros de la préhistoire, humaniste et génial découvreur, dans leur version noir et blanc. Une œuvre patrimoniale unique, exceptionnelle et transgénérationnel.
Le Bel âge farouche
Encore une nouvelle édition pour les longues et prolifiques aventures de Rahan, mais cette fois-ci uniquement dans un noir et blanc éclatant. Cinq imposants volumes de six-cents pages chacun qui viennent rappeler autant l’inventivité des péripéties imaginées par Roger Lécureux que la beauté fougueuse du trait d’André Chéret.
Nul autre héros ne lui ressemble dans la BD française. S’il faut chercher une paternité à Rahan elle serait plutôt du côté des comics-strips de Tarzan signés par l’élégant Hal Foster puis repris par le plus sauvage Burne Hogarth. Un rapprochement particulièrement sensible dans les illustrations de Chéret qui sans jamais singer ces modèles, en retrouve avec dynamisme, précision et un réalisme très détaillé, une même vision de la BD d’aventure. D’une jungle à l’autre, comme l’enfant élevé par les grands singes, Rahan est un sauvage mais de ceux née dans la préhistoire, à l’aube de l’humanité. Un bel homme élancé, à la longue chevelure blonde, à la musculature sèche, qui tranche parfois justement avec les airs ramassés, primitifs des peuplades qu’il rencontre tout au long de son infini voyage. Apparu dans les pages de la revue Pif en mars 1969, la série subjugue immédiatement les jeunes lecteurs par son exotisme, par cette vision beaucoup plus aguichante des sempiternels livres d’histoire, mais aussi parfois pour des raisons un peu moins avouables au parents avec un érotisme latent qui provoque quelques émois chez les garçons, et des ambiances parfois inquiétantes, dangereuses, glissant sans y tomber vers la BD d’horreur. Des bêtes sauvages qui dévorent leurs victimes, des anthropophages, des combats sans pitié au couteau ou à la lance, et quelques effluves mystiques viennent auréoler de mystères le chemin de Rahan. Mais des mystères que justement le personnage, cartésien dans l’âme et surtout curieux et malin, s’emploie toujours à révéler, mettant à mal des dictateurs en peau de bêtes, des chamanes opportunistes et manipulateurs ou de simples croyances héritées d’un obscurantisme encore très présent.
« Que ta voix chante la liberté »
Enfant de mai 68, accueilli dans une revue pour enfant financée par le Parti Communiste, Rahan met à mal l’ordre établi et prône encore et toujours le dialogue entre les hommes, les échanges, la compréhension et l’ouverture d’esprit. Des valeurs saines, parfois encore un peu étalée de manière didactique dans les premiers épisodes, et où surtout l’héroïsme habituel des publications d’aventure laisse place à l’humanisme. Et il est évident dès les premiers épisodes que Roger Lécureux et André Chéret savent déjà exactement où ils vont. Le dessin va encore s’améliorer, les scénarios ont se petit brin de naïveté, mais ces pages se construisent comme l’amorce d’une gigantesque fresque initiatique où Rahan prend corps devant les yeux du lecteur. Tout d’abord uniquement lancé dans une course après cet impertinent et insaisissable soleil, le jeune homme construit son intelligence de pages en pages, découvrant seul ou aux contacts d’autres tribus, les techniques pour la fabrication d’une arme de jet, la pertinence d’une gaine pour se protéger de son coutelas, la pèche, la nage, la glace, le feu et bien entendu des créatures aussi étranges et inquiétantes qu’un kangourou, une raie manta, un mammouth, un lézard géant ou les facéties d’un chimpanzé. Comme ses lecteurs d’origine, Rahan apprend et grandi de pages en pages, incitant constamment à la découverte et à la curiosité.
Avec ses planches superbement restaurées et sa large tranche qui finira par afficher en énorme le nom de notre héros, cette pénultième intégrale est peut-être la meilleure occasion de partager un classique indémodable avec les plus jeunes générations.