POSSESSIONS

France – 2025
Genre : Policier, Fantastique
Dessinateur : Alexis Bacci
Scénariste : Alexis Bacci
Nombre de pages : 408 pages
Éditeur : Glénat
Date de sortie : 16 avril 2025
LE PITCH
Antonio Ventimila est perdu dans une existence parisienne vide de sens. Un soir, il plaque tout, sans prévenir personne, direction l’Italie. Un accident de la route le fait échouer dans un hôpital turinois où il croise le chemin d’un romancier fantasque qui lui propose de l’assister pour son prochain livre : l’ouvrage de référence sur la ville. Réputée pour sa dimension ésotérique, Turin est une des trois capitales de la magie blanche et une des trois capitales de la magie noire ; le théâtre d’un ballet démoniaque, entre légendes urbaines, faits divers mafieux et vestiges obscurs de l’Histoire italienne.
Un auteur dans la ville
Malgré la reconnaissance du public et le soutien indéfectible d’un éditeur de la stature de Glénat, Alexis Bacci (Dérives, Captain Death…) reste un auteur de bandes-dessinées en marges. Mi pop mi introspectif, mi bis mi œuvre d’auteur, Possessions revient aux effluves giallesques dans une ville de Turin envoutante et ténébreuse.
Plus que jamais, Alexis Bacci n’hésite pas à mêler son récit à des éléments semi autobiographiques. Lui aussi a des racines italiennes. Lui aussi a perdu son père (dont on voit de vraie photos) trop tôt. Lui aussi est auteur de BD à ses temps perdus. Lui aussi a sans doute rêvé à un moment donné de tout plaquer, de partir sur la route et de s’y perdre. Une évasion, une rupture et un accident de voiture qui vont mettre Antonio sur la route d’un romancier italien lui proposant un boulot d’enquêteur dans la capitale du Piémont, afin d’en brosser le portrait complet des secrets et de ses racines plongées dans l’histoire de la magie noire. Tel le héros du Inferno de Dario Argento, Antonio va lui aussi peu à peu découvrir un monde qu’il n’osait connaitre, se perdre dans les rues de Turin, dans sa mystique et les symboliques mystiques… mais non pas pour devenir une proie de choix mais plutôt pour s’y redécouvrir lui-même et embrasser la vie autrement.
« Ne jamais aller à Turin, à aucun prix » Franz Kafka
Sous ses dehors de thriller fantastique, Possessions serait presque surtout un roman graphique initiatique, une étude psychologique d’un homme qui se reconstruit en plein milieu d’un complot de sorcellerie. L’auteur ne facile jamais vraiment l’identification du récit s’amusant effectivement à alterner les grands élans philosophiques, les détails historiques, les introspections intimes, mais aussi les visions cauchemardesques, les apparitions baroques et une romance typiquement giallo auprès d’une jeune femme irrésistiblement attirante mais forcément quelques peu dangereuse. Dans ce labyrinthe qu’il illustre toujours avec ce croisement d’aplats de noir et de couleurs pétantes, ces planches qu’ils découpent par les formes pleines et presque géométrique de ses personnages, Alexis Bacci, fait tout pour perdre un lecteur qui se prend d’autant plus facilement au jeu qu’il est cinéphile ou quelque peu versé dans les outrances de l’art italien. D’ailleurs si Antonio est le protagoniste de l’album, la ville de Turin en est véritablement l’héroïne, cité historique mais sans âge qui semble attirer à elle les âmes perdues, contenir des forces abyssales et menacer l’équilibre tellurique du monde. Certaines reproductions, aux angles décalés, de statues ou de structures architecturales qui en ornent les rues sont absolument magnifiques et célèbrent admirablement l’atmosphère sulfureuse et fascinante de la citée.
Après le Japon de Dérives, Alexis Bacci continue de nous faire voyager à travers le monde. Un monde peuplé de rêves et de menaces obscures. Un monde intérieur mais qui capture aussi bien l’ailleurs.