POCAHONTAS
France – 2022
Genre : Aventure, Historique
Scénariste : Patrick Prugne
Illustrateur : Patrick Prugne
Éditeur : Daniel Maghen
Pages : 96 pages
Date de Sortie : 13 octobre 2022
LE PITCH
1607 : Trois navires anglais accostent en Virginie. Une centaine de colons débarquent et construisent le premier fort anglais en Amérique qui deviendra Jamestown. Les indiens Powhatans n’auront de cesse de vouloir rejeter à la mer ces nouveaux venus bien inquiétants. Dans ce conflit latent, seule Pocahontas, fille du chef Powhatan tentera de rapprocher les deux peuples.
L’Air du vent
Spécialiste du Nouveau Monde, Patrick Prugne s’intéresse tout logiquement à la destinée particulière de la jolie Pocahontas. Bien plus proche de Terrence Malick que de Disney, l’artiste penche naturellement du coté de la cause indienne et d’un certain réalisme historique.
A force d’explorer aux cotés des tribus amérindiennes les paysages d’une Amérique encore sauvage, et ayant d’ailleurs déjà offert sa version de l’incontournable Le Dernier des Mohicans, il était inévitable que Patrick Prugne croise un jour le chemin de la princesse des Powhatans. Un personnage historique mais souvent enveloppée de légendes ou en tout cas d’enjolivements romanesques occidentaux en partie dus aux premiers témoignages de John Smith en personne. Si l’auteur a choisi sciemment de la vieillir légèrement (elle devait avoir 13-14 ans à l’époque) et de préserver une part du romantisme sans doute très exagéré autour de l’indienne et du fier colon John Smith, il se débarrasse farouchement de toute forme de naïveté, d’évangélisme. Toujours du côté des peuples autochtones envahis par les conquistadors puis les colons européens, il fait tour à tour de Pocahontas une silhouette intrigante, une princesse aux pieds nus, une amoureuse éperdue d’un bel étranger (qui lui rend bien), mais aussi une meneuse politique et philosophique ouverte vers l’inconnue et les découvertes, une aventurière courageuse et pleine de bonté…. Qui sera bien entendu sacrifiée sur l’autel de la propagande chrétienne, les pulsions coloniales de l’homme blanc et sa quête irrépressible du profit.
Une légende indienne
Raconté par deux témoins des évènements principaux, le camarade de John Smith et le frère de Pocahontas, le récit n’est finalement qu’une succession de regrets et l’invocation d’un monde définitivement perdu, d’une innocence arrachée. La petite indienne se perdra, christianisée, renommée Rebecca, mariée avec un triste protestant du nom de John Rolfe. Ne supportant pas la pollution londonienne elle périra d’une tuberculose sur ces terres étrangères à 22 ans seulement. Plus que l’amour possible entre un blanc et une Indienne, c’est cette symbolique cruelle qui traverse toute l’album, évocation froide mais poétique et sublime d’une autre de ces tragédies qui accompagnèrent la colonisation du continent américain. Historiquement très réfléchi et documenté, précis et juste dans son écriture, humain et aventureux à la fois, ce Pocahontas renoue aussi forcément avec le souffle pictural de l’artiste, remaniant son trait réaliste et sa reconstitution historique appliquée avec un traitement somptueux à l’aquarelle. Des contours évanescents, des paysages délicats, des compositions imposantes mais surtout des atmosphères hors du temps, naturelles et mélancoliques qui capturent comme jamais l’existence des peuples amérindiens et leurs terres volées.