PLUNGE
Plunge #1-6 – Etats-Unis – 2020
Genre : Horreur
Scénariste : Joe Hill
Illustrateur : Stuart Immonen
Editeur : Urban Comics
Pages : 168 pages
Date de Sortie : 28 mai 2021
LE PITCH
Au lendemain d’un tsunami, on détecte au large du détroit de Béring le signal de détresse du Derleth, un navire d’exploration scientifique… disparu depuis 40 ans. Le biologiste marin Moriah Lamb rejoint l’équipe de remorqueurs d’épaves missionnée par Rococo International, un groupe privé très intéressé par la cargaison du Derleth. De même qu’il est heureux que les mystères de l’univers soient inaccessibles à l’entendement humain, certains secrets devraient quant à eux rester immergés dans les abysses du cercle arctique.
Ceux qui chuchotent dans les ténèbres
Deuxième opus traduit en France de la nouvelle collection Hill House, Plunge est l’occasion pour l’auteur Joe Hill, accompagné cette fois-ci de l’excellent Stuart Immonen aux dessins, de rendre hommage à son véritable mentor stylistique… Non pas son père Stephen King, mais bien le cinéaste John Carpenter.
Après la grosse farce macabre, et jubilatoire, qu’était Basktelful of Heads, Joe Hill retrouve un peu de mesure avec Plunge, thriller horrifique beaucoup plus lent, ou l’apparition de la peur se fait plus sinueuse. Une équipe de remorqueurs, accompagnée d’une biologiste et d’un industriel, s’embarquent en direction de l’épave d’un navire disparu depuis 40 ans. Et ils vont rapidement se retrouver nez à nez avec un danger qui les dépasse totalement. Un décor gelé, recouvert de neige ou de roches escarpées. Un huis clos légèrement paranoïaque où des parasites sont capables de prendre le contrôle des hôtes. Toutes proportions gardées et si les transformations sont ici plus psychologiques que visuelles, la mini-série vient effectivement caresser les sensations du fabuleux The Thing. Une référence avouée, mais par laquelle Joe Hill ne se fait jamais écraser puisqu’il sait aussi aisément s’en éloigner, faisant glisser son atmosphère vers des frontières de plus en plus cauchemardesques, vers une portée de plus en plus globale. Le nom du navire est, pour les connaisseurs, un sacré indice, et la trame du comics a le mérite de réussir à aller jusqu’au bout de sa logique avec un final sacrément spectaculaire et mythologique qui l’installe parmi les meilleures adaptations non-officielles d’un certain romancier de Providence.
Sous la glace
Mais si Plunge fonctionne aussi bien, c’est certainement aussi grâce à cette opposition constante entre la logique mathématique, cartésienne, imposée par les créatures, et le caractère beaucoup plus libre et passionnel des personnages. Joe Hill parle d’ailleurs dans sa postface d’une histoire d’amour. Pas celle qui aurait impliqué la pugnace et jolie biologiste, mais bien celle qui réunit trois frères de natures bien tranchées, dont l’humour tour à tour noir ou croustillant, vient admirablement déboulonner l’angoisse générale. Et les évènements ne vont d’ailleurs pas leur faire de cadeaux. Une histoire d’hommes au milieu d’un récit de revenants, de monstres et d’infection que vient sublimer le talentueux Stuart Immonen (Superman Identité Secrète, Empress…). Accompagné par l’indispensable Dave Stewart pour les couleurs, il apporte une précision redoutable dans les expressions, les regards, les intentions, permettant de faire vivre les personnages sous nos yeux, et les incarne dans des décors vastes, mais toujours denses, lourds et écrasants. Que ce soit la carlingue rouillée d’un navire, une descente au fond des eaux, une place glacée ou face à un totem venu d’un autre âge, ses planches en imposent toujours, et apportent presque systématiquement une petite touche effrayante en bonus.
Un soupçon de détails gore (mais un soupçon seulement), quelques délires à échelle plus grandiloquente ou un simple dialogue peuvent renfermer une menace latente ou une étincelle d’humanité. Encore une franche réussite pour la gamme Hill House. Il nous tarde de pouvoir lire les albums à venir.