Forcément aujourd’hui assez difficile à retrouver en bon état et qui plus est à un prix accessible, l’édition originale de Plagiat ! laisse désormais place à une version revue et corrigée, et surtout améliorée de bout en bout. Pas de dénaturation de l’œuvre bien entendu, mais une reprise par l’artiste Alain Goffin en personne qui plutôt que de se contenter d’une simple restauration numérique en a profité pour redessiner toutes les planches, améliorer certains détails, changer la police d’écriture, fluidifier certaines découpes et étoffer considérablement la colorisation. Ceux qui n’avait jamais lu la version première n’y verront que du feu tant l’album en présence préserve l’aura de son époque, mais avec un soupçon de finesse supplémentaire. Au passage, l’éditeur Anspach soigne tout autant son écrin avec un lourd papier bien granuleux, une impression rigoureuse, un grand cahier « making of » de onze pages retraçant la double naissance de l’album, mais aussi le faux dossier de presse monté de toutes pièces par les auteurs. Une biographie imaginée pour l’artiste Chris Van Meer (avec photos à l’appui), une petite analyse de son art et un retour sur l’affaire qui aura marqué la fin de sa carrière. Une intention amusante mais qui a surtout pour effet de venir appuyer le propos même de la bande-dessinée principale. 

Reprographie

Car comme son nom l’indique Plagiat ! est une affaire de vol d’identité, où un jeune peintre en pleine ascension se voit voler l’intention de ces nouvelles toiles amenées à faire l’évènement d’une prochaine exposition, par un plagiaire américain mystérieux signant du nom de Tommy Crane. Une trame inspirée d’une épreuve véritablement vécue par un ami du dessinateur Alain Coffin, mais qui ici va largement plus loin que le fait divers en devenant peu à peu un mélange de quête et de cauchemar identitaire où le pauvre Chris Van Meer semble totalement perdre pied. Les scénaristes François Schuiten et Benoit Peeters jouent constamment la corde de l’ambiguïté et troublent les frontières entre phantasme et réel avec d’autant plus d’efficacité qu’ils nourrissent le tout d’un regard acerbe, mais inspiré de leurs propres expériences, sur le petit monde de l’art et de l’édition, de ces galeristes bien intentionnés à ces journalistes cruels en passant par les groupies éphémères, où seul le succès permet une véritable existence. Chantre de la nouvelle ligne claire aux coté de collègues comme Yves Chaland ou Floc’h, Alain Goffin apporte à ce suspens une esthétique admirablement conçue et construite retrouvant l’épure et la simplicité apparente des maitres Hergé et Edgar P. Jacobs mais baignant généreusement dans les teintes et les afféteries de cette fin des années 80. Malgré l’abondance de textes et de dialogues (à l’ancienne donc), l’artiste donne vraiment la sensation de presque parcourir un ouvrage entièrement visuel aux lignes brisés, points et déconstructions structurant à la perfection une histoire qui ne parle effectivement que de création. A ce titre, certaines des toiles imaginées pour Chris Van Meer sont tout simplement superbes et mériteraient bien une nouvelle exposition. Peut-être que le maitre en personne ou Alain Goffin seraient présents pour l’occasion ?