PHÉNIX, L’OISEAU DE FEU T.1
火の鳥 – Japon– 1954
Genre : Fantastique, Science-Fiction
Scénariste : Osamu Tezuka
Illustrateur : Osamu Tezuka
Éditeur : Delcourt / Tonkam
Pages : 640 pages
Date de Sortie : 10 août 2022
LE PITCH
Le Phénix, un oiseau immortel ! Une créature flamboyante qui vit au sein des volcans ! La légende dit que celui qui réussira à boire son sang obtiendra la jeunesse éternelle…
Il suffira d’une étincelle
Fresque fleuve d’Osamu Tezuka, presque point central dans une œuvre déjà des plus vastes, Phénix l’oiseau de feu est une fable à travers le temps qui avec ses 3000 pages (et des poussières d’étoiles) explore le destin d’une humanité en quête d’immortalité. Forcément la réédition « Perfect » de Delcourt était des plus attendues.
Consacré père du manga (moderne), Osamu Tezuka est aussi un artiste qui se sera constamment remis en question, quêtant systématiquement de nouvelles grammaires, de nouveaux genres et de nouveaux lectorats. Ainsi, Phénix est d’une certaine façon une réponse à l’apparition de lecteurs plus âgés, qui ont grandi avec les premières publications enfantines, et qui cherchaient alors au mitan des années 50 des publications plus sophistiquées et matures. Parsemé de faux départ, de publications inachevées, de reprises dans différentes revues et de volumes régulièrement réorganisés, la production de Phénix va s’étaler sur plus de trente ans et va opter pour une chronologie assez déroutante, démarrant (comme c’est le cas dans le volume présent) par le chapitre L’Aube, utilisant en toile de fond la fondation des premiers contours de ce qui deviendra le Japon, enchainant ensuite par Les Temps futurs se déroulant sur une terre exsangue et une humanité vouée à disparaitre. L’idée de Tezuka étant que ce va et vient constant entre passé et futur, se rapproche progressivement du monde contemporain et devait même s’achever par une rencontre entre Astro et le Phenix (dans Atom) et enfin Temps présents qui auraient dû servir de conclusion si la mort de l’auteur ne l’avait empêché.
En deux temps
Un autre œuvre inachevée pour Tezuka où le fil rouge est certes le fameux oiseaux mythologique renaissant de ses cendres, pourchassé par les hommes pour sa capacité supposée à offrir l’immortalité à celui qui boira son sang, mais dont les différents récits sont surtout reliés par une étude humaniste de notre espèce, scrutant aussi bien les travers, les espoirs, les victoires et les défaites de personnages alternativement muent par leurs ambitions, leurs besoins d’amour, leur recherche d’un sens et, bien souvent, leur rapport à la mort et donc à l’ultime inconnu. Dans ce premier volume de cette édition définitive, il est donc question d’un empire encore écrasé sous les guerres et les conquêtes successives où quelques reines ou chef de guerre espèrent laisser leur marque dans l’histoire, alors que les véritables héros, un jeune guerrier et son père adoptif auto-proclamé ne cherchent que quelques instants de paix. Un récit épique et antique dont le pseudo réalisme historique (Tezuka aime à jouer avec les anachronismes et l’humour cartoon) contraste avec la seconde partie, se déroulant à l’opposé du spectre temporel, avec une échelle apocalyptique. Le récit débute comme une nouvelle variation autour du Metropolis de Fritz Lang pour s’achever dans un trip à travers les millénaires faisant ressembler le final de 2001 L’odyssée de l’espace à un aller-retour à Vesoul. Malgré le regard souvent bienveillant du Phénix, son amour manifeste pour l’étincelle de vie qui habite les petits humains qui grouillent autour de lui, le manga est frappé par un certain fatalisme, observant un besoin d’autodestruction, un égoïsme misérable et une faculté à la posture apathique qui ne peut qu’entrainer une décadence programmée. Chez Tezuka l’espoir est mince, mais reste présent, lorsque l’auteur change d’échelle prenant notre planète la Terre comme véritable centre névralgique de Phénix. Dans son éternel recommencement, son éternelle renaissance, il y a une mince possibilité qui s’offre à nous et Tezuka nous invite désespérément à la saisir.