PETITS CONTES MACABRES
Four Gathered on Christmas Eve – Etats-Unis – 2023
Genre : Épouvante
Dessinateurs : James Harren, Becky Cloonan, Eric Powell, Mike Mignola
Scénaristes : Becky Cloonan, Eric Powell, Mike Mignola
Nombre de pages : 72 pages
Éditeur : Delcourt
Date de sortie : 20 novembre 2024
LE PITCH
Eric Powell adore les histoires qui font peur et que l’on se raconte au coin du feu lorsqu’il gèle à pierre fendre dehors… Il a invité trois compagnons de jeu – et pas n’importe lesquels ! – à le rejoindre afin de réaliser un livre de petits contes horrifiques baignant dans une atmosphère victorienne qui les met en scène.
Laaaast Christmas…
Noël approche à grand pas, et plutôt que de célébrer le gros rondouillard amis des enfants, Eric Powell (The Goon) préfère renouer avec une autre tradition, celle des histoires qui font peur, contées au coin du feu. Des histoires qui font frémir et affirment une nouvelle les talents indéniables de ses camarades de jeu Mike Mignola (Hellboy), Becky Cloonan (Somna) et James Harren (Ultramega).
Une ancienne coutume tout à fait victorienne qui évoque immédiatement le Un Chant de noël de Dickens ou même les origines de la naissance de Frankenstein par Mary Shelley et qui joue admirablement de cette atmosphère cotonneuse, sombre et froide pour faire rejaillir quelques mauvais esprits oubliés. C’est donc bel et bien Mr Powell en personne qui ouvre la porte à ses camarades de nuitée, avatars croqués avec un sens connu de la caricature et tous transformés en intellectuels acariâtres, en poètes cruels, en hôtes un poil sadiques, et qui entre chaque histoire racontée par les uns et les autres prennent un malin plaisir à moquer leur confrères… voir à s’empoisonner. Bonne ambiance, pour ces petits tableaux qui lient avec un soupçon d’humour noir, les contes attendus. C’est encore Powell qui ouvre le bal, mais avec James Harren aux dessins, qui dans Les Yeux dans l’obscurité primordiale mélange les grands récits d’aventures par-delà l’atmosphère terrestre, ici un dirigeable en partance pour Mars, avec le classique effet de la maison fantôme. On n’est pas loin d’un Alien en mode rétro où la folie guette nos deux braves passagers obsédés par une présence qui se rapproche dangereusement.
Au cœur de la nuit
C’est le même Eric Powell, seul cette fois-ci, qui clos bien entendu l’album avec Le Cadeau du Major Courtenay, histoire de malédiction poursuivant soldat anglais et une nouvelle fois d’un esprit vengeur qui ne lâchera pas sa proie dès qu’elle mettra les pieds sous un véritable toit. Deux exercices gothiques assez classiques, mais très joliment mis en image, bien entendu. Entre ces deux-là, on trouve cependant les propositions beaucoup plus marquantes de Becky Cloonan et Mike Minola. Tout deux s’attaquent à des créatures légendaires archiconnues, mais le font en mettant moins en valeur le « récit » de toute façon limité par un très court nombre de pages, au profit d’un superbe travail sur les atmosphères. Madame propose ainsi Le Kelpie, évocation d’un monstre issu du folklore écossais, où un cheval squelettique et son cavalier maudit s’extraie des marécages pour trouver leurs nouvelles proies. De prédation à séduction, l’artiste joue sur l’ambiguïté à la même manière que dans son récent Somna et s’est d’ailleurs offert un Eisner Award de la meilleure histoire courte dans la foulée. Mignola, lui s’amuse du contraste entre son graphisme épuré, ses décors baroques et inquiétants, avec une réinterprétions gothique à souhait du fameux conte du Jabberwock imaginé par Lewis Caroll.
Accompagnés par l’incontournable Dave Stewart aux couleurs, nos quatre larrons prennent manifestement un grand plaisir à jouer à se faire (gentiment) peur, s’essayant aux difficultés de l’histoire très courtes, de la petite anthologie récréative et graphique. Si forcément le court album n’a pas la même puissance que leurs œuvres respectives, il s’en dégage un charme certain… De celui qui ferait espérer une expérience récurrente et plus prolongée. Avec plus de pages et d’autres grands noms des comics, pourquoi pas ?