PAUL JENKINS PRÉSENTE HELLBLAZER VOL.1
Hellblazer #89-107 – Etats-Unis – 1995/1996
Genre : Fantastique, Horreur
Scénariste : Paul Jenkins
Illustrateur : Sean Phillips
Éditeur : Urban
Pages : 512 pages
Date de Sortie : 25 novembre 2022
LE PITCH
Dans les contrées sauvages de l’Australie, John Constantine est sur le point d’effectuer son premier voyage dans le Tjukurrtjanu, le « temps du rêve invisible » qui permet de relier tous les points du temps et de l’espace dans l’univers en perpétuel mouvement. Il a pour objectif d’entrer en contact avec « Le Serpent Arc en ciel », un dieu aborigène, mais ce dernier n’essaierait-il pas de le faire chanter ?
Les péchés du père
Retour en arrière dans la collection Hellblazer d’Urban Comics avec le premier volume de l’intégrale consacrée au travail du scénariste Paul Jenkins sur la cultissime série de Vertigo. Accompagné de l’excellent, mais encore peu connu, Sean Phillips, il tente de faire remonter la pente à un John Constantine éreinté par la prestation historique de Garth Ennis.
Dire que Garth Ennis avait largement secoué l’univers maléfique du plus séduisant des salopards britishs tout au long de son incontournable run tient effectivement de l’euphémisme : cancer carabiné des poumons, pacte avec le démon, diverses menaces familiales, renversement des pouvoirs en enfer… L’auteur était venu pour jouer, imprégner le titre de son irrévérence irlandaise et il n’y est pas allé de main morte. Après le bref retour de Jamie Delano et le passage éclair d’Eddie Campbell, c’est finalement au jeune auteur Paul Jenkins qu’échoie la lourde tache de reconstruire le personnage, le stabiliser pour le faire repartir de nouveaux sur les rails. Ancien éditeur, le monsieur signe là son premier vrai travail d’auteur mais montre d’emblée une écriture beaucoup plus littéraire et romanesque que la moyenne. Sa description de la banlieue anglaise, des rues londoniennes ou des campagnes vallonnées, se teinte ainsi d’une poésie légèrement lyrique où se croise moins les créatures voraces et brutales d’autrefois, que des fantômes mélancoliques, des esprits perdus, des cités hors du temps, des anges damnés insufflant leurs paroles aux poètes d’autrefois.
Jeunes esprits
C’est pourtant du côté de l’Australie et des croyances aborigènes qu’il va chercher l’apaisement en premier lieu, s’engouffrant dans le monde du rêve pour redonner du mordant à Constantine, embrassant autant le potentiel mystique de ses hôtes que se moquant outrageusement de la déité primaire et surtout des colons locaux, bouseux racistes et violents.
Alternant les cours épisodes en forme de One-shot cultivant l’habituel et indécrottable ironie sur la condition humaine (aaah ce démon qui se nourrit de l’âme des hooligans), sa prestation joue les allers-retours pour débarrasser définitivement Constantine de ses vieux démons sans perdre en cours de route sa personnalité profonde. Un jeu de déconstruction – reconstruction bien maitrisé et qui s’accompagne des plus naturellement du monde de nombreuses trahisons, plans foireux et risqués et d’une ultime pirouette comme un doigt d’honneur balancé à la face de la création. S’il manque ici encore un soupçon de personnalité d’auteur plus marqué, Paul Jenkins se coule parfaitement dans l’univers acide du personnage et donne au passage l’opportunité à un jeune illustrateur anglais de faire ses preuves : Sean Phillips. Pas encore du niveau de ses collaboration à venir avec Ed Brubaker, mais son réalisme déjà très marqué, entre photo et impressionnisme, glissant aisément vers un psychédélisme suranné, offre une belle stabilité à la série Hellblazer (seuls deux chapitres ont été confié à des dessinateurs invités) et une atmosphère surnaturelle, proche du lecteur, presque concrète.
Totalement inédit en France jusque-là, cette petite vingtaine d’épisode méritaient largement cette imposante édition française de 500 pages.