OPUS HUMANO N°2 : 1985-1995
France – 1985 / 2024
Genre : Science-fiction, Fantastique, Policier
Dessinateur : Chaland, Frédéric Bézian, Franz, Jean-Claude Gal, Warns, Raives
Scénariste : Alejandro Jodorowsky, José-Louis Bocquet
Nombre de pages : 272 pages
Éditeur : Les Humanoïdes Associés
Date de sortie : 6 novembre 2024
LE PITCH
1985 – 1995 : Métal Hurlant agonise, puis s’éteint et, dans cette supernova silencieuse, les univers fantastiques de ses anciens thuriféraires continuent de s’étoffer chez Les Humanoïdes Associés. Plongez-vous dans une compilation d’histoires signées Jodorowsky, Jean-Claude Gal, Frédéric Bézian, Warns & Raives, Franz, Bocquet & Fromental, et Yves Chaland.
Souvenirs de ses 10 ans
Le Mook anniversaire Opus Humano poursuit sa route et les années avec un second volume cette fois-ci consacré tout à fait logiquement à la décennie 1985/1995. La mythique revue Métal Hurlant s’éteint mais l’éditeur Les Humanoïdes Associés poursuit sa mission de défricheur de talents et de fer de lance d’une BD adulte, inventive et atypique comme le prouvent les 5 albums complets regroupés ici.
Si effectivement la vitrine de l’éditeur, la grande revue Métal Hurlant disparait peu à peu, puis définitivement en 1987, autant victime de son succès (toutes les autres revues ou presque en on repris les grandes lignes) et de choix éditoriaux hasardeux (titres parallèles, prépublications plombées par le succès des albums…) augmentant les dettes, la maison mère devenu plus éditrice d’album que de magazine poursuit son chemin continuant de travailler avec les artistes et créateurs historiques et de quetter de nouvelles plumes. Encore une décennie bien chargée avec le lancement de la saga Le Monde d’Arkadi de Caza, l’arrivée de Loisel pour ses très érotiques Troubles fêtes imaginés avec son épouse Rose le Guirec et surtout le phénomène Froid équateur, premier tome de La Foire aux immortels, qui fait immédiatement d’Enki Bilal le nouveau visage de l’éditeur.
Polar et fantaisies
La publication en présence n’ayant pas forcément pour vocation de reproduire à nouveau des classiques connus de cette envergure, elle propose plutôt de redécouvrir la ligne claire et superbement rétro de Chaland (Freddie Lombart) avec son F. 52, voyage à bord d’un avion de ligne vaguement futuriste et surtout théâtre d’un gigantesque chaos nourri par la mauvaise foi, la folie et la cruauté d’une belle tripoté de passagers. Presque une parodie de Tintin et Black & Mortimer, qui se bonifie nettement avec les années. Peu de science-fiction donc dans ce recueil qui va surtout mettre l’accent sur le polar, embrayant avec le 5ème tome des enquêtes de Lou Cale, photographe de presse, qui plonge dans les méandres d’un Roméo & Juliette à la sauce mafieuse particulièrement noir et violent. C’est le duo Raives et Warns qui est aux commandes de ce Le Centaure tatoué au style efficace mais finalement assez classique. On lui préfèrera le fil rouge Mémoires d’un 38, collaboration entre Jean-Luc Fromental, José-Louis Bocquet et le génial Franz, dans lequel un flingue passe de mains en mains dans une Amérique peuplée de flic ripoux, de truands, d’amants éconduits, de fachos à cagoules blanches, d’intellectuels ridicules et de vieille sans-domicile fixe déprimée, capturant la violence d’une contrée autant que rendant hommage par son noir et blanc récurrent à toute une belle histoire du polar hard boiled.
Mythes et cauchemar
Un titre rare (inédit depuis 2002) mais certainement pas autant que le très étrange et baroque Adam Sarlech, dessiné à grands traits durs et violents par un Frédéric Bézian donnant corps à une famille aristocrates habitée par ses fantômes, ses secrets et sa perversité dans une sorte de grand théâtre bancal, malsain et grotesque. Très étrange mais assez fascinant et porté par une esthétique assez unique.
Il fallait tout de même un grand classique de l’éditeur pour venir souder l’ensemble de ces presque 300 pages entrecoupés de quelques articles de présentation et de mise en contexte, et c’est forcément du coté du pape Alejandro Jodorowsky que le rédacteur en chef Fabrice Giger est allé chercher. LA plume des Humanoïdes Associés, qui livrait avec La Passion de Diosamante l’une de ces grandes fresques Fantasy et métaphasiques dont il a le secret, récit du voyage initiatique peuplé de mille dangers et de mille interprétations d’une reine orgueilleuse et cruelle sur le chemin de la rédemption. Un canevas parfait pour le camarade Jean-Claude Gal (Les Armées du conquérant) donnant corps à un monde hors du temps, flamboyant et grandiose, avec toujours cette impressionnante emphase sur les décors pharamineux et oniriques.
Encore et toujours de la grande BD à découvrir ou redécouvrir, avec ce second volume anthologique d’Opus Humano. Une poignée de raretés plus ou moins réputées, mais des signatures et des talents qui ont façonnés cette bande dessinée pas comme les autres qui est celle des Humanoïdes Associés.