NOT ALL ROBOTS
Not All Robots #1-5 – Etats-Unis – 2021 / 2022
Genre : Science-Fiction
Dessinateur : Mike Deodato Jr.
Scenariste : Mark Russell
Nombre de pages : 120 pages
Distributeur : Delcourt
Date de sortie : 1 février 2023
LE PITCH
En 2056, les robots ont remplacé les êtres humains sur le marché du travail. La coexistence est difficile entre les robots et les dix milliards de terriens. Chaque famille humaine dispose d’un robot dont elle dépend entièrement. Le robot des Walter, Razorball, passe – de façon assez inquiétante – tout son temps libre dans le garage à construire des machines conçues pour tuer sa famille d’accueil…
Rêvent-ils de moutons électriques ?
L’avenir est aux machines et à une société de l’oisiveté. Mais les robots eux-mêmes peuvent-ils avoir des revendications syndicales ? Plus les choses changent, plus elles restent les mêmes disait un grand philosophe.
Scénariste que l’on aurait certainement pu penser relativement commercial avec ses participations sur des licences comme Batman, Red Sonja ou Fantastic Four, Mark Russell sait aussi se démarquer du simple travail de commande, prenant souvent un malin plaisir à embarquer des univers bien connus vers les rives de la satire sociétale et de la comédie de mœurs. Sa prestation sur The Flinstones, sa réinvention de Prez et bien entendu des créations plus personnelles comme Le Retour du messie, attestent d’un regard grave mais toujours amusé sur des contemporains qui n’ont manifestement pas peu du ridicule. Ainsi, le concept de Not All Robots est né dans le sillage des manifestations #MeToo et plus précisément des arguments peu convaincants de quelques internautes se revendiquant #NotAllMen pour mieux signifier maladroitement leur docilité face au système et un féminisme de bazar. L’auteur transpose donc, comme tout bon récit d’anticipation, la question du patriarcat dans un futur proche, accentue lourdement les tensions sociales entre les sexes et les classes de populations, prend acte d’une destruction déjà presque finale de l’écologie de la planète et saupoudre le tout des trois lois de la robotique d’Isac Asimov. Nous sommes donc en 2046 et pour stopper l’effondrement de la civilisation humaine et de la terre, un groupe de cinq industriels ont décidé de donner le contrôle de nos vies aux robots. Des machines ultra évoluées, installées dans chaque famille comme force de travail et qui ont rapidement remplacé les pauvres humains dans l’économie globale.
Machines qui consomment
Les humains sont une espèce à l’obsolescence programmée et les tensions entre les deux forces ne font que s’accentuer alors que des machines nouvelle génération, les Mandroides, sont déjà prête à être commercialisées. Si le scénario proprement dit, ou plutôt la trame dramatique est plutôt prévisible avec sa cellule familiale « défectueuse » qui sert de révélateur d’une situation bien plus globale, Not All Robots est surtout parfaitement pertinent dans son étude des inégalités et des rapports de forces entre les différents castes sociales, humaines ou robotiques. Si dans la BD la place des machines est celle qu’occupait autrefois les mâles, leur propre mal être vient pointer du doigt la cause principale de l’asphyxie contemporaine : un ordre dirigeant qui a réussi à nous faire confondre valeur des êtres avec efficacité économique et a amené chacun à voir l’autre comme la cause de son problème. Un sujet abordé avec une certaine cruauté, beaucoup de noirceur, mais aussi un humour noir qui ne rend que le propos toujours plus pertinent et efficace, en particulier lorsqu’il fait du père de famille, clef de voute de la culture américaine, le lâche de circonstance, esclave volontaire gavé de la propagande robotique délivrée par les médias. Artiste réputé pour son travail toujours carré et dynamique chez Marvel (New Avengers, Incredible Hulk, Old Man Logan…) Mike Deodato Jr aborde Not All Robots avec une approche plus réaliste que jamais, plongeant les décors dans des amas de lignes et de textures, et se reposant manifestement sur des bases photographiques pour ses nombreux personnages (on reconnait aisément Michael Douglas période Chute Libre ou Ben Kinsley en Steve Job du futur) jouant ainsi plus solidement encore sur la crédibilité catastrophique de l’avenir annoncé. Des planches particulièrement sombres et écrasantes qui contrastent cruellement avec l’ironie vacharde et la satire piquante de l’album.