Mais ici pas de gentil policier ou de privé le col de l’imper remonté jusqu’aux oreilles, mais un ancien détective qui a raccroché le badge pour se lancer en indépendant. De sa longue expérience de flic, il en a gardé quelques lucratifs contacts dans la pègre et se positionne dès lors comme un enquêteur mercenaire, agent indépendant mais respecté par toutes les mafias de la ville, qui font appel à lui pour régler leurs affaires internes. L’un des leurs se fait braquer ou assassiner ? Easton Newburn est dépêché sur place et ses preuves et sa décision seront respectés par tous… même par une grande part de ses anciens collègues du NYPD. Une position ambiguë mais qui sied parfaitement à cet homme de loi hors normes, froid, calculateur et impassible, voir antipathique… qui se prend pourtant de sympathie pour Emily, jeune femme qu’il vient de débusquer dans une affaire de sac de drogue volé, et qu’il engage comme assistante. Point de départ d’une collaboration professionnelle détonante, régulièrement commentée en marge avec la protagoniste via son journal intime, et qui sert de fil rouge à une série d’enquêtes diverses qui font découvrir à cette dernière, et au lecteur, l’organisation très particulière du monde criminel dans cet « autre » New-York.

Bien en place

C’est aussi une construction devenue plutôt rare dans les comics où chaque chapitre concerne une nouvelle affaire, avec sa résolution, s’intéressant tour à tour à la mort d’un policier, à l’adultère chez une femme de Yakuza ou un serial killer ne s’en prenant qu’aux hommes de mains, avec toujours un grand soin apporté à la construction du mystère et à la personnalité des personnages de second plan. Chip Zdarsky renoue avec une structure épisodique des séries policières d’il y a quelques années, profitant de ces récits éclatés pour disposer, bien entendu, des éléments qui trouveront ici leur point de rupture dans les vingt derniers pages avec à la clef un cliffhanger diablement efficace.  Atmosphère sombre et violente, plongée totale dans les ombres d’un royaume criminel en marge mais parfaitement équilibré, personnage principal à la morale discutable ou en tout cas au sens de la justice personnel et assez expéditif… Les arguments du vieux récit noir Hard Boiled sont bel et bien présents mais avec une modernité et une économie plus proche du petit écran, quitte à parfois perdre quelques points d’originalité en cours de route.

Une série parfaitement efficace et bien tendue où l’on retrouve l’illustrateur de That Texas Blood et coloriste de Criminal et Reckless, alias Jacob Phillips qui avec son trait dur et ses atmosphères oppressantes rappelle ici souvent les planches de Michael Lark sur Gotham Central. On a connu bien pires comme comparaisons.