MONICA
États-Unis – 2023
Genre : Drame, Fantastique
Dessinateur : Daniel Clowes
Scénariste : Daniel Clowes
Nombre de pages : 106 pages
Éditeur : Delcourt
Date de sortie : 02 novembre 2023
LE PITCH
En quête désespérée de figures tutélaires, Monica décide de mener l’enquète pour percer le mystère de ses origines. Elle fera des expériences décisives qui jalonneront sa vie de solitaire : le coma, le succès, la richesse, l’adhésion à une secte…
Orpheline
Publié pour la première fois aux USA il y a sept ans, Patience, le précédent Graphic Novel de Daniel Clowes, croisait drame intimiste et délire temporel pour illustrer l’incapacité de véritablement connaitre celui ou celle qu’on aime. Aujourd’hui Monica, aux juxtaposition plus discrètes, mais plus étonnantes encore, assure que l’on ne se connait jamais vraiment, simples rejetons d’un destins préprogrammés.
Ce n’est pas une notion de destin qui étreint ce nouvel album, mais plutôt de généalogie. Abandonnée très tôt par une mère instable, après être avoir vu les amants de passages, les histoires foirées et connu quelques passages en communauté ou squats avec elle, Monica ne sait pas ce qu’il est advenu de cette dernière. Elle ne sait pas non plus qui est son père. Elle s’en défend, mais ces questions la travaillent constamment, la hantent et la conditionne à prendre une voie qui ne cesse de se refermer sur elle comme un étau. Même sa plus grande réussite, une entreprise de fabrication de bougie dont la revente va lui octroyer un revenu confortable pour financer son enquête, n’est qu’un écho d’une lubie de sa mère, elle aussi partie en fumée. Une quête identitaire particulièrement touchante, humaine et proche du lecteur, tant la protagoniste, aussi narratrice du réçit, semble constamment dialoguer avec lui, lui faire par de ses états d’âmes, de ses hésitations et de ses regrets. On serait ainsi ici plus proche du Daniel Clowes de la chronique adolescente Ghost World, que celui du surréaliste Comme un gant de velours pris dans la fonte, et pourtant le trajet n’a rien de la ligne droite et ne va cesser de semer sur son chemin des petits cailloux d’incongrus. Comme la voix d’un grand-père décédé qu’elle croit entendre dans la vielle radio, son accident de voiture qui la laisse dans un long coma, son enquête au sein d’une secte aussi flippante que pathétique et un final dont on ne sait toujours pas s’il s’agit d’un fondu au noir ou d’une apocalypse globale.
Racines et branches
L’auteur brouille les frontières et déstructure constamment sa trame comme pour mieux figurer le puzzle qui constitue le passé, le présent et l’avenir d’une femme qui ne peut qu’avancer en suivant les traces présupposées de parents absents. Faut-il mieux les fantasmer ou les connaitre vraiment ? Faut-il vraiment savoir qui étaient ceux qui nous ont donné naissance et (plus ou moins) partiellement éduqués ? Monica n’offre pas de grandes réponses ou de solution toutes faite, mais fouille dans le témoignage et dans l’inconscient, en quête de pistes, d’indices et de semi-vérités, une forme de connexion universelle.
D’ailleurs les chapitres qui composent ce roman graphique se détachent régulièrement du destin direct de Monica pour s’attarder de manière inattendue sur d’autres histoires plus lointaines comme un dialogue entre deux soldats dans la jungle vietnamienne ou un conte macabre entre la Hammer et Lovecraft où un jeune homme retrouve la ville de son enfance envahie par des aliens bleutées esclavagiste… Sont-ce des anecdotes imaginées par Monica pour remplir les trous de son passé ou exprimer des sentiments enfouis, ou Daniel Clowes lui-même, qui parle ouvertement d’une œuvre particulièrement personnelle, qui en profite pour faire le lien avec une autre filiation ? Celle qui le lie avec les classiques du comics et les productions d’EC Comics, connus pour leurs titres à l’exploitation beaucoup plus adultes que Marvel et DC.
Un voyage dans tous les cas surprenant, déroutant et définitivement intime.