En 2015 lorsque Boom Studios racheta la licence Power Rangers pour réveiller un univers moribond en BD depuis quelques années, il eu l’excellente idée de confier le bébé au jeune scénariste Kyle Higgins, remarqué pour ses passages sur Batman Beyond 2.0, Nightwing ou sa série COWL chez Images Comics, qui aborda le sujet avec forcément un brin de nostalgie, mais aussi et surtout une volonté manifeste de dépoussiérer le sentai à l’américaine. Les pieds bien incarnés dans le prolongement des deux premières saisons de la série culte, l’auteur va considérablement développer les personnages, creuser leurs relations et leur psychologie, étoffer la mythologie et aussi discrètement que progressivement la rattacher aux autres périodes des Power Rangers. Il rebondissait là sur une pratique déjà existante dans le programme tv via quelques crossovers spectaculaires ravissant les fans, comme la rencontre entre les Zeo Rangers et les Alien Rangers ou celles entre les Dino Rangers et les Ninja Storm Rangers, mais avec cette fois-ci une logique plus complexe et surtout plus pensée, galvanisée par l’avènement de Drakkon, double maléfique de Tommy Oliver / Ranger Vert issu d’un univers parallèles.

Génération Rangers !

Des pistes et une ambition qui culminent toutes dans ce grand final de presque dix chapitres, durant lequel la frontière entre les différentes réalités et époques vont s’effriter, menaçant l’ensemble de l’existence même. Classique du coté des comics de super-héros, mais inédit pour une série comme Power Rangers, qui voit là la belle occasion de croiser la première génération de Rangers avec ceux de Time Force Rangers, Samurai Rangers, Zeo Rangers ou RPM Rangers, de multiplier les clins d’œil et les apparitions d’autres célébrités (Ninjor, Rita Repulsa, les Sentinelles…) et de lancer tout ce bon monde dans une mêlée apocalyptique bourrée de batailles à grandes échelles et de fusions de Zord inédites. Comme toujours l’action est mise en avant, et l’illustrateur principal Hendry Prasetya (Green Lantern, Power Girl) s’en donne à cœur joie avec une énergie communicative et une gestion plutôt impressionnante de la masse de protagonistes pouvait apparaitre sur une même page (surtout qu’ils reposent tous sur de simples variations de costumes). Efficace, coloré et constamment lisible, cette apparence plutôt pétante et acrobatique n’empêche cependant pas d’installer une tension exponentielle bien présente et de glisser ici et là quelques instances plus dramatiques apportées par la disparition de certains héros bien connus, éliminés par un Drakkon habité par une soif de pouvoir dévorante, figure du mal plus tragique que purement maléfique.  

Point final du run salvateur de Kyle Higgins qui a vraiment renouvelé et modernisé l’image des Power Rangers, Shattered Grid c’est un peu le Infinity Wars ou le Crisis on Infinite Earths de la saga Saban (toutes proportions gardées). Même ceux qui boudaient le kitch et les bouffonneries des premières saisons sur télé cathodique risquent d’être bluffés.