MÉTAL HURLANT N°7
France – 2023
Genre : Science-Fiction, Horreur, Anthologie
Dessinateur : Neyef, Nikolai Pisarev, Alexandre Ristorcelli, Harry Bozino…
Scénariste : Corbeyran, Laurent Siefer, Stephane Levallois, Chantal Montellier…
Nombre de pages : 272 pages
Éditeur : Les Humanoïdes Associés
Date de sortie : 24 mai 2023
LE PITCH
Qui sont ces monstres qui sommeillent en nous ? Ce septième numéro de Métal Hurlant apporte des réponses en déterrant des secrets que l’on croyait pourtant profondément enfouis. A travers plus de vingt histoires courtes, toutes inédites, les auteurs de Métal révèlent les horreurs qui hantent leurs pensées : angoisse, convoitise, manipulation… meurtre parfois, ou même pire encore… La liste est longue car rien n’est trop effroyable pour un numéro de Métal Hurlant à la fois dérangeant et addictif !
Mutations
Le Métal Hurlant nouveau se porte plutôt bien, merci pour lui. Et peut-être mieux que jamais d’ailleurs, la nouvelle formule orchestrée par Jerry Frissen prenant une forme de plus en plus assurée et réussit parfaitement à trouver son équilibre entre tradition et nouvelle garde. Peut-être aussi parce que le thème du monstre a toujours été particulièrement inspirant.
Car c’est le leitmotiv de ce septième numéro, entièrement conçu par les auteurs et artistes nouvelle génération : la monstruosité sous toutes ses formes. Un thème riche et libre qui permet bien entendu toutes les approches et les outrances. Ainsi Derf Backderf (Kent State) détourne gentiment la figure du Universal Monster, avec une créature du lagon noir qui terrorise tout Paris en souhaitant simplement se rendre en terrasse pour prendre son café. Le talentueux et trop rare Antoine Dodé (The Crow Curare, Pierrot Lunaire) illustre la guerre barbare imaginée par Otto Maddox entre des hommes et des machines qui se dissimulent derrière le visage poupon de leurs progénitures respectives. Anaële Harmans (La Ballade des dangereuses) et Nadar (Le Monde à tes pieds) poussent plus volontiers vers la métaphore sociale lorsqu’une fois les derniers mystères de notre terre connus les seuls monstres restant sont ceux qui hantent les rêves. Car naturellement la plupart des monstres de ce volume sont le plus souvent des plus humains, comme chez l’artiste baroque Miran Kim où une jeune fille exclue pour sa différence devient une masse dévoreuse en quête d’amour. Très proche, le cauchemardesque Mary Bell peint par Elene Usdin retrace le triste parcours sordide d’une petite fille martyrisée qui se mue en psychopathe. Moins poétique (sic) et beaucoup plus sulfureux, l’excellent Neyef (Bayou Bastardise, Hoka Hey !) laisse échapper les pulsions incestueuses de deux adolescents à la veille d’une apocalypse annoncée.
Masses rampantes
Avec des approches constamment variées et des styles graphiques changeant et mouvement, le septième numéro ne faiblit jamais ou presque, délivrant systématiquement des prestations marquantes, pertinentes ou puissamment visuelles. Difficile ainsi de passer à côter de la simplicité des quelques planches sans paroles de Pim Bos avec sa pauvre famille de lapin traquée et massacrée pour finir empaillée, de ne pas apprécier l’ironie sadique de la révolte des vaches dans Kreas Inc. de Harry Bozino (Point Zero) et Sagar (Brel, une vie à mille temps) ou d’éprouver la terrible lucidité de L’Interview, portrait par le russe exilé Nikola Pisarev de son terrible pays et de son peuple porté par la haine et la violence.
Mais si la fournée fonctionne aussi bien dans son ensemble, car bien d’autres récits et talents sont contenus dans ces près de trois cent pages, c’est que la structure même du volume retrouve la frénésie et l’aspect patchwork bordélique des origines. Avec une superbe prestation hommage concoctée par James Thomas (éditeur US des Humanos) et Jorg de Vos (nouveau talent renversant) qui ouvre et clos le programme façon Métal Hurlant « le film », les pages sont parsemées de nouvelles absurdes et horrifiques, d’articles sur les Freaks ou l’autoroute des aliens perdue dans le Nevada, de fiches du Dr Maddox offrant un florilèges des meilleurs bouquins d’illustrations monstrueuses avec même le grand retour de l’indispensable « Mange-livre » où Lloyd Chérie remplace tout à fait honorablement notre légendaire Jean-Pierre Dionnet. Là c’est sûr, la nouvelle génération prend ses aises.