MÉTAL HURLANT N°8 : LA MÉNAGÈRE DE PLUS DE 500 ANS
France – 1975 / 2023
Genre : Science-Fiction, Fantastique, Comédie
Dessinateur : Moebius, Jacques Tardis, Philippe Druillet, Serge Clerc, Marc Caro, Enki Bilal, Paul Gillon…
Scénariste : Dominique Hé, Cortman, Jean-Michel Nicollet, Jano, Philippe Manœuvre, Jean-Pierre Dionnet…
Nombre de pages : 272 pages
Éditeur : Les Humanoïdes Associés
Date de sortie : 23 août 2023
LE PITCH
Dans ce nouveau numéro, Philippe Manœuvre raconte dans un entretien exclusif « ses années Métal ». Pour y faire écho, une bonne partie de ce numéro est consacrée à la BD rock. Enki Bilal est également à l’honneur avec un long entretien et des pages d’Exterminateur 17 publiées avec leurs couleurs originales.
Rock progressif
La virée temporelle du nouveau Métal Hurlant s’achève partiellement avec ce 8ème opus entièrement constitué de classiques BD de la mythique revue. Du classique, du culte, de l’incontournable, de la redécouverte, du cuir et de la zick… Un adieu en chansons accompagné par les solos d’Enki Bilal et Philippe Manœuvre.
Dans son nouvel édito, le rédac’ chef prévient les amateurs que Métal Hurlant ne sera plus désormais que tourné vers l’avenir et la nouvelle garde de la BD SF mondiale. Seule parenthèse attendue, un cahier d’une trentaine de pages réservé dans chaque opus à quelques madeleines de Proust dégottées par l’équipe. Avant ce recentrage de la formule, le pavé se tourne sans vergogne vers les références absolues avec pour ouvrir le voyage les premières planches du Arzach de Moebius publiées dans le tout premier Métal Hurlant et ayant par son silence absolu, son pointillisme pointu, son imaginaire et son humour absurde opéré une petite révolution mondiale ! Pas moins. Difficile de faire mieux et pourtant les suites du Polonius de Picaret et Jacques Tardis faux péplum vraiment crépusculaire et de l’Exterminateur 17 de Dionnet et Bilal (qui d’ailleurs revient dans un entretien sur ses trop rares collaborations avec la revue et sa défiance de la culture woke) n’en sont pas loin. Tout comme bien entendu l’Opera dévastateur et décoiffant de Druillet répondant au sobre titre de Guerre. Des planches puissantes, monumentales et fascinantes, au milieu desquels une pointure comme Paul Guillon (La Survivante) vient revisiter une pièce de boulevard de Labiche par des interprètes uniquement robotiques. Le sens du contraste et cette liberté créatrice encore et toujours qui fait passer des rêveries oniriques et envoutantes de Luc & François Schuiten dans La Débandade au cauchemar soldatesque et traumatique de La Patrouille gravé dans le noir par monsieur Marc Caro.
BD de garage
Mais le volume n’est pas seulement l’occasion de raviver les valeurs sures, mais aussi de conter les dernières belles années de la revue, sa multiplication de titres avec Métal Aventure (dont est tiré le très beau Berlin 1945 du regretté Arno) et le penchant comique Rigolo !, mais aussi les numéros spéciaux et l’orientation de plus en plus assumée vers la culture Rock. La fin du monde vu par Margerin dans Les Cinq dernière heures, les aventures de Guy Lefranc parodiés par Yves Challand et Luc Cornillon avec le sidekick rockabilly qui prend toute la place, l’essai terrifiant de Marc Nicollet pour Pas de Peau, la résurrection de légendes avec The Rolling Clones par le fabuleusement doué Alain Voss ou les récits banlieusards de Jano (en solo) font directement échos à un changement progressif d’orientation et à la présence en coulisses du journaliste (et alors co-rédacteur en chef, correcteur, traducteur et tout ce qui passe) Philippe Manœuvre. Souvent un peu malmené dans quelques mémoires qui entourent l’histoire de la revue, l’homme aux lunettes noires transmet sans animosité et avec beaucoup de tendresse ses souvenirs d’une époque de créations frénétiques, de collaborations bordéliques mais toujours fructueuses, de grandes rencontres et d’actes manqués, passant, plein de nostalgie, aux grandes heures du titres à sa progressive perte de vitesse… Passionnant et bourré d’anecdotes, le témoignage fait mouche et même si ce dernier se défend toujours d’être un véritable scénariste de BD, se voyant plus comme un mercenaire occasionnel, un remplisseur de bulles, sa réinvention des origines stylées et sexy de Blondie illustrée par Serge Clerc restent une très élégante réussite, une captation parfaite de l’univers et de l’esthétique de la New Wave.
Les opus rétro du nouveau Métal Hurlant s’étaient ouverts sous le regard bienveillant de Jean-Pierre Dionnet, ils s’achèvent sous celui de Manœuvre… la boucle et bouclée d’une certaine façon.