MÉTAL HURLANT N°9 : LE FUTUR ? C’ÉTAIT MIEUX APRÈS
France – 2023
Genre : Science-Fiction
Dessinateur : Olivier Vatine, Nikolai Pisarev, Lolita Couturier, Jorg De Vos…
Scénariste : Corbeyran, Jerry Frissen, Rurik Sallé, Pixel Vengeur, Benjamin Fogel…
Nombre de pages : 272 pages
Éditeur : Les Humanoïdes Associés
Date de sortie : 22 novembre 2023
LE PITCH
Les menaces de guerre nucléaire, le réchauffement climatique, les problèmes énergétiques, le retour des extrémistes en tout genre, et avec eux la lente disparition des valeurs humaines : à Métal on s’en moque. Ici, dans notre quartier général, nous regardons les news en riant, car nous avons foi dans le futur. Nous ne souhaitons pas que tout aille bien, nous savons que tout ira bien. On le sait d’ailleurs depuis longtemps puisque déjà en mars 1981, Métal annonçait un futur heureux.
Si l’avenir m’était conté
Comme annoncé dans le précédent numéro, Métal Hurlant ne change pas de peau, mais délaisse l’ancienne, faisant désormais l’impasse sur l’époque maitresse pour se consacrer à la nouvelle génération. Logique, ce numéro s’intéresse à nouveau à notre avenir. Un futur pas tout rose, mais pas tout noir non plus, mais qui n’en a pas fini d’hurler.
Fini donc les numéros compilant les grands classiques de la revue ou les articles revisitant avec un mélange de nostalgie et de « bougez-vous les jeunes ! » les grands remous et les révolutions de la rédaction la plus rock’n’roll de la BD, Métal Hurlant fait ici dans la grande étude réflective. Dystopie VS Utopie. Codes de ces récits définitivement ancrés dans le contemporain, aspects littéraires, philosophiques ou technologiques… L’utopie est-elle rose ou verte comme dans le film de Coline Serreau qui se fend ici d’une interview, le squelette de ce numéro 9 n’hésite pas à pousser la réflexion assez loin, quitte parfois à se donner des petits airs de publication intellectuelle. Kim Stanley Robinson (Le Ministère du futur) ou Romain Lucazeau (Latium) font effectivement figures d’autorités, mais l’esprit déconne, joyeux bordel et coup de boule dans la fourmilière nous manque un peu. Même les quelques pages de chroniques bouquins, BD ou sorties Home Vidéo restent on ne peut plus sérieuses et incarnées. Reviens Dionnet, ils ne sont plus fous du tout !!
L’avenir nous le dira
Question BD cependant, le cœur battant de la publication, les changements de ton, d’approches graphiques et d’univers se font toujours aussi abruptement et avec une bonne dose de créativité. Ainsi Enfant perdu de Romain Brun qui ouvre la lecture illustre parfaitement ce que peut devenir un fantasme d’évasion, un besoin de vivre la douleur, dans un monde trop parfait. Idem (un peu en tous cas) pour le Mouvement perpétuel d’Adam et Perron où la voiture parfaite, automatisée, confortable et hermétique devient le cauchemar claustro par excellence. Et rien de pire qu’une Utopie moraliste où la moindre pensée sexuelle est éradiqué à la racine (et hop plus de doigts ! plus de zizi !) avec le trio Corbeyran, Sallé et Bègue dans le bien cruel Un Monde plus lisse. L’utopie des uns fait souvent le malheur des autres comme le rappel l’invasion alien bien sexy du trop rare Olivier Vatine, le Nouvelle espèce de Pisarev et une humanité oubliée et surtout le très cruel, mais terriblement bien vu, Les Déclassé de l’espace de Fogel et Cuvillier où les points de bonne conduite écologique sont si rapidement perdus. Autre réflexion, mais avec une ironie particulièrement vacharde cette fois-ci pour le Poubelle-Dorado de Hureau, versant rigolard du Cauchemar de Darwin à grande échelle. Ce Métal Hurlant ne manque pas de petites pépites comme le poème graphique tour à tour angoissant et planant Un Ciel couvert de rouge de Toru Terada ou la charge destructrice lâchée sur le monde des réseau sociaux par Valentin Ramon dans Everyday is like Wendy. Enfin, difficile de résister à l’élégance presque rétro de Love is Like Oxygen (Frissen et De Vos), Signal faible (Mourier et Kavege) et Top IA (Alex Ristorcelli) venant rappeler par leur approche classique, mais maitrisée, les fables SF imparables d’il y a quelques décennies.
Un peu moins détendu du lobe frontal que les numéros précédents, Métal Hurlant continue cependant de faire vibrer l’hypothalamus par le vivier toujours aussi inspiré d’artistes et d’auteurs de bonnes Bédé (comme disaient les vieux) annonçant encore un toujours un bel avenir pour la créativité de cette publication au retour durable.