MÉTAL HURLANT N°5
France – 2022
Genre : Science-Fiction
Scénaristes : Collectif, Mark Waid, Laurent Genefort, Jerry Frissen
Illustrateurs : Lewis Trondheim, Richard Guérineau, Lisa Blumen, Pim Bos…
Éditeur : Les Humanoïdes Associés
Pages : 277 pages
Date de Sortie : 23 novembre 2022
LE PITCH
Connaissez-vous la théorie de Nick Bostrom, selon laquelle nous vivrions dans une simulation informatique ? Comment savoir si notre réalité est bien LA réalité ? Les auteurs conviés pour ce numéro confronteront leurs visions de l’amour, la mort ou encore, de ja justice. Des interviews, des articles et des billets scientifiques consacrés – entre autres – aux progrès de la science grâce au virtuel, ou encore au métavers, viendront compléter ces récits. Vous l’aurez compris : ce nouveau numéro composé d’histoires 100 % inédites fera bouger les frontières, car du réel au virtuel, il n’y a qu’un pas !
Réalités singulières
Dernier volume de l’année pour le Métal Hurlant nouvelle génération qui se clos ainsi sur l’un des opus confiés à la nouvelle génération d’auteurs et d’artistes. L’occasion, on ne peut plus à propos, de plonger dans ce fameux Metaverse, royaume de tous les futurs… mais manifestement pas celui de Zuckerberg.
Un album thématique, même si pas forcément suivi par tous, qui titille les fantasmes d’une réalité virtuelle qui viendrait gommer toutes les imperfections d’un réel en perdition. Un lieu qui pourrait démultiplier les expériences, la créativité, les horizons, les sensations voire l’espérance de vie, mais aussi les bonus financiers de nouveaux conglomérats et le contrôle sur des populations gavés de satisfactions extrêmes. Il est naturellement question d’un peu de toute ça ici, et surtout de l’ambivalence de ce Metaverse déjà controversé et débattu de nos jours. Jim Bishop & Seera y voient un lieu de rencontre romantique séparant les êtes à des milliers de kilomètres mais où la tromperie sur l’identité réelle est forcément plus injuste encore ; Tim Adam et Alexis Vitrebert en font l’ultime centre de communication dans un monde post-apocalyptique toujours aussi écrasé sous les contingence administrative ; Yann Bécu et Saga s’amusent du choix de quelques étrange hackers pour opérer leur 1er contact ; Cantsin questionne l’instrumentalisation et l’origine des esclaves virtuels ; Lisa Blumen illustre le contraste entre la perception d’une jeunesse éternelle et la réalité des corps sous le coups des années ; Edo Brenes l’apparente à une drogue dont les clients les plus fervents devraient en passer par un sevrage douloureux pour retrouver la réalité concrète ; Nikola Pisarev lui, en imagine dans Black Box l’utilisation comme purgatoire carcéral.
Changer de monde
Comme souvent Métal Hurlant c’est la force de proposition, la variété d’approches, de structures scénaristiques et de styles graphiques qui font la force du voyage et gomment les petits défauts récurrents dans ces courts récits de quelques pages. De petits soucis souvent pour mettre en place une conclusion, ou une chute, satisfaisante. Sur ce terrain-là, Richard Guérineau (Seul le silence) s’en sort plutôt bien en suivant la mission rocambolesque d’un nettoyeur / explorateur de Metaverses confronté à une section bien vérolée et contaminée, dont le gag final, absurde, et les abords rétros font effectivement penser à la veille école de la revue. Un peu comme le Download d’Arnaud Le Gouëfflec (Monsieur Léon) et Krzysztof Nowak (Futuro Darko) où la tentative d’échappée et de quête d’indépendance d’une femme moderne est malheureusement suivie de trop près par son ex-meilleure amie (jalouse) et une horde de suiveurs qui retransforment les lieux en son triste quotidien. Mais il faut parfois prendre un peu de distance avec le sujet affiché pour trouver les plus jolis moments de ce pavé bien nourri de presque 300 pages, comme lorsque Thierry Martin (Dernier souffle) suit l’ultime course d’un robot survivant dans un lendemain post-apocalyptique, réussissant lui à prendre contact avec la poétique de mère nature. Un contenu toujours aussi riche où l’on peut aussi déguster un article en prose abordant la réalité comme le ferait un testeur de jeu vidéo, une interview de John Underkoffler chercheur en réalité virtuelle et conseillé technique sur Minority Report ou une autre de l’artiste Jeremy Perrodeau « archéologue virtuel ». Et les plus attentifs observeront sur la partie gauche des différents chapitres, une succession de tableaux étranges et de messages binaires et abscons construisant peu à peu la naissance et la disparition d’un Metaverse. Une expérimentation imaginée par Otto Maddox en utilisant la fameuse IA Midjourney génératrice d’images à partir de quelques directives. Le futur est déjà là.