Si à seulement quelques mois d’existence la revue le nouveau Métal Hurlant a déjà connu en coulisses quelques petites crises et remaniement (Les Humanos sont désormais seuls maîtres à bord), pas de grande révolution dans les pages présentes ici. Tout simplement parce qu’après un volume dédié aux nouveaux auteurs, l’alternance prévue permet de redécouvrir quelques pages hérités des plus belles années du magazine. Une anthologie historique en sommes qui permet aux plus jeunes de découvrir enfin des récits pour la plupart presque introuvables de nos jours, et pour les plus anciens de retrouver quelques sensations un brin nostalgique, comme une madeleine de Proust à l’arrière-goût de souffre, de sueurs et d’huile de vidange. Véritable gageur de l’objet, Jerry Frissen est allé directement à la source pour choisir ce florilège éclairé, en interviewant son créateur historique et son rédacteur en chef le plus charismatique, maitre du chaos : Jean-Pierre Dionnet. Une légende (presque), en tout cas un immense découvreur de talent, un dévoreur de culture et d’art sous toutes ses formes qui a justement choisi, et commenté, pour nous 23 Bds mémorables et surtout symptomatiques de la liberté de ton, la variété de style et la richesse de l’imaginaire qui habitait cette petite révolution disponible en kiosque.

La horde sauvage

Et il est impossible de remettre en doute la pertinence de cette sélection qui s’ouvre sur le cultissime The Long Tommorow de Dan O’Bannon et Moebius, crée pendant la longue gestation du Dune de Jodorowsky. Un trip d’espionnage noir et délirant qui, mine de rien, préfigure et à influencé plus ou moins directement des œuvres comme Blade Runner ou L’Incal. Et qui de mieux pour conclure le pavé que le gourou Druillet, avec Agorn, étrange trame de Fantasy orchestré comme un opéra biblique et décadent. Au milieu c’est un défilé de pointure avec le poète Caza, le presque débutant d’alors Enki Bilal, le futur cinéaste Marc Caro alors illustrateur punk, les mentors Paul Guillon et Jean-Claude Mézières et même un Robert Crumb adaptant les notes personnelles et paranoïaques de Phillip K. Dick. Renversant tout comme la redécouverte constante d’artistes brillants et uniques parfois passé un peu au second plan aujourd’hui, voir même oubliés, comme la visionnaire Chantal Montpellier, le très psychanalytique La Main verte de Edith Zha et Nicole Claveloux, la poétique métallique des frères Schuiten, ou les débordements foutraquement rock de Alain Vos et son Heilman. Culte jusqu’à la moindre goutte d’encre, en noir et blanc ultra contrasté ou en planches colorisées à l’aérographe, ce Métal Hurlant affiche toujours la même vivacité, voir même une irrévérence plus jouissive encore aujourd’hui. Agrémenté d’un bel article sur la naissance de la revue, à un temps où la presse BD (Pilote, A suivre…) était bouillonnante et de reproductions de couvertures mythiques, Métal Hurlant n°2 risque surtout de placer la barre bien haute pour la nouvelle génération qui va devoir remplir le sommaire du n°3…