METAL HURLANT N°15 : LES MONDES DU SILENCE

France – 2025
Genre : Science-Fiction, Fantastique, Comédie
Dessinateur : Collectif
Scénariste : Collectif
Nombre de pages : 272 pages
Éditeur : Les Humanoïdes Associés
Date de sortie : 21 mai 2025
LE PITCH
On pourrait bien essayer de vous expliquer la fascination qu’ont les auteurs et autrices de bande-dessinée pour l’immensité et les mystères des océans, mais ça serait vous gâcher entièrement la lecture de ce nouveau numéro abyssal ! Des vagues de créativité ont déferlé sur les auteurs et autrices de Métal Hurlant, alors entrez dans la tempête, enfilez le scaphandre et descendez avec nous dans les profondeurs.
Et vogue le navire !
Ça y est, Métal Hurlant a franchi la barre des cinquante ans, signé son numéro anniversaire (c’était le 14) aux milieux de nombreuses publications venant célébrer l’âge vénérable de la maison Les Humanoïdes Associés. Et maintenant ? Et maintenant la mythique revue revisitée s’embarque vers de nouveaux horizons.
C’est l’auteur Jena-Luc Cornette (Les Passe-murailles, Tumpie…) qui a eu l’idée lors d’une réunion de rédaction (où on découvre qu’ils en font) de constituer ce nouveau volume autour de thème de l’eau. Sujet vague si l’en est, mais propice aussi à l’évasion, a une certaine poésie lyrique et poétique où le cadre liquide joue comme catalyseur vers un ailleurs, un autre état ou une ouverture sur le monde. Il s’y engouffre lui-même avec Le Plongeon où un jeune homme saute dans une rivière du haut d’un pont par pari et traverse un ailleurs curieux, inquiétant puis sensuel. Fin ouverte, fin sibylline, Comme La Tribu de l’eau rêverie opaque signée par les Italiens Marco Taddei et Samuele Canestari, évocation au fusain d’un rite de passage mystique, ou comme le plus libre encore Narcose de Zéphir (La Mécanique des vides) traversée graphique d’un monde bleuté et aquatique aussi simple qu’élégant. Mais l’esprit n’est pas qu’à la contemplation, Michaël Sanlaville (Lastman, Banana Stoule) s’amuse à revisiter la figure des héros de l’espace en mode algues et poissons illustrant le combat d’une brigade affrontant l’invasion d’un corail envahissant tandis qu’Arthur de Pin (Zombillénium) règle définitivement la question des platistes… en musique. Simon van den Ende (Bark) et Pim Bos (Tremen) nous proposent eux un petit bijou d’humour noir et cruel en détournant la douce journée à la plage en famille en version cauchemardesque à souhait.
En eaux troubles
Mais la grande constante, assez logique d’ailleurs, du Mook, reste bien entendu l’optique écologique voir eschatologique. Versant dramatique et mélancolique lorsque Ryan Barry illustre façon manga technologique le triste retour du dernier homme dans sa station scientifique. Versant ironique et démonstration par l’absurde lorsque la boite de thon de Grégory Panaccione et Giorgio Gualandris emporte son acheteur vers un monde en reflet sous-marins. Ou carrément gagesque, mais terriblement méchant, lorsque Joseph Falzon (Les Animaux dénaturé) imagine une solution pour repeupler les océans et les étals des poissonniers tout en se débarrassant définitivement des riches. Jouissif. Valentin Ramon (D4ve, ZETA) vise juste lui aussi avec son style réaliste mais doté d’un sens de l’absurde dramatique illustrant comment industriels, militaires et politiques sont prêts à mettre en scène une invasion extraterrestre pour voler toute l’eau de la planète et nous la revendre en bouteille. Autre bijou, mais moins bavard et bien plus sauvage, Mocha Peche interdite est une véritable prouesse visuelle, sauvage et enragées, où des créatures aquatiques aliens, lassées de se faire massacrer par les chalutiers laissent éclater leur colère. Gore et sublime.
Pas loin de trente historiettes dessinées aussi riches que variées auxquelles viennent s’ajouter les habituelles rubriques de la revue comme le travelling efficace du Mange-livre, l’évocation nawak de quelques classiques du cinéma « aquatique » en compagnie d’Otto Maddox et Jean-Luc Cornette (qui est puni) et un bel article de Boris Szame retraçant la production catastrophe de Waterworld (même si nous on l’aime bien le film !). Enfin le volume est charpenté autour de deux grandes interviews importantes, et tout à fait sérieuses, venant éclairer les convictions et le combat de Paul Watson, fondateur de Sea Sheperd, avec au passage une belle leçon d’optimisme, ou explorant l’œuvre du romancier Jean-Marc Ligny, spécialiste de la Climate Fiction… et beaucoup moins optimiste pour le coup.
Métal Hurlant mène tranquillement sa barque, assurant définitivement sa mue et croisant solidement ses ambitions de magazine et d’anthologie de BDs créatives et variées aidé par un sacré pool de nouvelles et d’anciennes signatures. Métal Hurlant continue de mener sa barque… tandis qu’il y a de l’eau