MÉTAL HURLANT N°11
France – 2024
Genre : Science-Fiction
Dessinateur : Collectif
Scénariste : Collectif
Nombre de pages : 288 pages
Éditeur : Les Humanoïdes Associés
Date de sortie : 22 mai 2024
LE PITCH
Un des buts de Métal Hurlant a toujours été d’aller le plus loin possible, au-delà des frontières, qu’elles soient réelles ou imaginaires. Ce numéro 11 démontre une fois de plus la pertinence de cette volonté, d’une part en poussant les différents auteurs (trente-quatre !) à nous montrer ce qui se passe quand ils franchissent les frontières de force, mais d’autre part, la rédaction de Métal a mis un point d’honneur à faire venir des auteurs d’au-delà des frontières, puisque ce n’est pas moins de treize pays qui sont représentés.
Châteaux de sable
Il parait que les grandes vacances arrivent enfin avec leurs promesses de journées ensoleillées, de serviettes étalées, de mers salées et pleines de méduses, de coups de soleil, de beaufs qui mettent la musique à fond et de sable qui gratte dans le maillot… ça tombe bien le Métal Hurlant estival va s’efforcer de vous faire voyager, loin de ces considérations tristement terriennes.
Un numéro qui entérine définitivement le retour à la grande formule magazine des origines, se détachant totalement de l’héritage nostalgique, pour venir redevenir la vitrine d’une certaine culture populaire, SF forcément mais pas que, un poil rock ’n roll et certainement alternatif. Le bon gros numéro multiple donc les articles dits généralistes avec une analyse passionnante de l’œuvre de Liu Cixin (Le Mystère à trois corps) précédé d’une interview captivante du bonhomme revenant sur ses influences et ses approches littéraires, une rencontre avec Riss le rédacteur en chef de Charlie Hebdo, une autre avec Kevin Levine créateur du chef d’œuvre vidéoludique Bioshock. A cela s’ajoute une bonne poignée d’articles et d’analyses revenant sur la saga Mad Max, sur les effets spéciaux de 1917, l’actualité livres et home cinéma ou la sortie prochaine de We Are Zombies, adaptation live de Les Zombies qui ont mangé le monde de Guy Davis et… Jerry Frissen, rédacteur en chef de Métal Hurlant. Il y a aussi les petites interventions récurrentes d’Otto Maddox qui délivre avant chaque récit inédit une petite colonne sur un album bien frappé, improbable et injustement oublié comme Tounga La Horde Maudite, Ceux venus d’ailleurs ou Les nuits de l’épouvante. Des petits trésors sur lesquels on aimerait bien pouvoir remettre la main d’ailleurs.
Évasion cosmique
Programme large et complet donc, mais reste bien entendu l’essentiel de chaque numéro : la BD. Celle qui décoiffe, qui surprend, qui fait flipper, réfléchir ou qui impressionne tout simplement par sa ferveur visuelle. Comme toujours, ce 11eme numéro est particulièrement généreux en passant d’expérimentations noir et blanc sidérantes avec Hydronterra de Jacques Desprès, de descendances pop’art avec Thomas Merceron dans Sous l’eau ou le rétrofuturisme d’Alexis Mandeville dans un Paranoïa qui porte parfaitement son nom. On y rencontre une fable apocalyptique sur notre propension moderne à noter tout et tout le monde (Veuillez évaluer le produit d’Erwann Surcouf), un sublime voyage sensuel à l’autre bout de l’univers magnifiquement illustré par le Karl Johnsson de Vei, une grande fresque Fantasy en pleine banlieue imaginée avec humour par le duo Alexandre de Maté et Pierre Place (Un Astre pour les posséder tous) et même quatre pages inédites dans l’univers de Détour par Epsilon toujours signées Lolita Couturier.
Mais on quête, il faut bien le dire, une logique à ce numéro, ou au moins un mot d’ordre général qui lui donnerait une certaine cohésion. Pas de numéro spécial ou thématique à l’horizon donc, l’ensemble s’échappe constamment et librement vers des horizons et des tonalités totalement différentes et creuse encore plus peut-être cette sensation, prévisible, d’un sommaire quelque-peu inégal avec certaines prestations assez anecdotiques. Par contre impossible ici de ne pas signaler les quelques pages de Le Jeu du maitre, allégorie brillante et cruelle sur le sens du pouvoir dessiné par la presque débutante Iness et écrit par le gourou Alejandro Jodorowsky.