MÉTAL HURLANT N°12 : H.P. LOVECRAFT, MURMURES ET CHUCHOTEMENTS
France – 2024
Genre : Policier, Comédie
Dessinateurs : Fred Vignaux, Thomas Gilbert, Nico Gems, Nikola Pisarev, Juliette Pinoteau, Stephane de Caneva…
Scénaristes : Pochep, Salvador Sanz, Eldiablo, Pixel Vengeur, Richard Guérineau, Mo/CDM…
Nombre de pages : 272 pages
Éditeur : Les Humanoïdes associés
Date de sortie : 21 août 2024
LE PITCH
Faisant écho au Spécial Lovecraft de 1978, qui reste l’un des numéros les plus vendus de l’histoire du Métal Hurlant original, nous avons invité une nouvelle vague d’auteurs à plonger dans l’univers complexe et fascinant du Maître de Providence. Les résultats vont bien au-delà de nos espérances, démontrant une fois de plus la profonde résonance et la pertinence intemporelle de l’imaginaire de Howard Phillips Lovecraft. Chaque page de ce numéro sera une preuve de l’influence continue que Lovecraft exerce sur les nouvelles générations d’auteurs.
« C’est Cthulhu à la plage… »
Pour son numéro de fin de période estivale, Métal Hurlant ne pouvait pas mieux tomber qu’en signant un numéro hommage à H.P. Lovecraft. Les ombres qui rampent, les ténèbres qui murmurent, les grands anciens qui s’extirpent des ruines aqueuses… Il n’y a finalement pas mieux comme crème solaire.
Métal Hurlant et H.P. c’est une vieille histoire d’amour. D’abord forcément parce que de nombreux signataires de ses pages ont été traumatisés par leur découverte de la littérature du bonhomme (Druillet certes mais pas que) mais aussi parce que dès 1978 la revue historique signait un numéro spécial resté dans les annales et dont le comptable se souvient encore puisqu’il fut l’une des meilleures ventes de l’époque. Un épisode culte aujourd’hui avec du Moebius, du Caro, du Clerc ou du Ceppi et Vépy et une couverture de Giger qui trouve aujourd’hui un écho direct dans ce numéro d’août 2024. Une idée de Pixel Vengeur d’ailleurs qui a réussi à convaincre le rédac chef Jerry Frissen de retenter l’expérience en invitant la nouvelle génération d’artistes à s’attaquer au génie maudit de Providence. Et certain s’y « attaquent » d’ailleurs directement comme Brouette Hurlante qui visualise les tristes soirées du romancier, harcelé par une épouse castratrice, se perdre dans ses fantasmes et sa prose. Laurent Queyssi et Oriol Roig, eux, imaginent le maitre passé à la postérité et vieillissant suffisamment pour débarquer sur le plateau de tournage d’un certain John Carpenter. Et puis il y a Pochep qui nous livre une biographie au format strip tout au long du volume avec des illustrations gentiment naïves et un humour décalé assez irrésistible.
« Whaou, whaou »
Une fois encore, on ne peut qu’être fasciné par la puissance d’inspiration dégagé par les fameux mythe de Lovecraft qui fournit le canevas à quelques trips purement cauchemardesques (L’antithèse des créations de Salvador Sanz, La tache de Thomas Gilbert, La Page Blanche d’Helene Usdin, le monstrueux Mater de Jorg de Vos…), des parodies presque cartoony (Les Grands anciens de Bob Fingerman, Monkey Business de Jean-Luc Cornette et Christian Durieux avec la participation de King Kong, L’appel à tarte par Mo/CDM….) mais aussi de nouvelles adaptations modernes, personnelles, graphiques et souvent particulièrement inspirées comme L’émissaire de Daniel Hansen et ses rats à dents de rasoir habitant les égouts, Lolita Couturier qui revisite La Musique d’Erich Zann dans les murs d’une cité dortoir, les nobles qui tentent d’échapper à la révolution en se transformant en monstres-plantes dans le 1785 de Stéphane de Caneva ou les plantes parasites qui contrôlent secrètement l’humanité dans le parano Mentral d’Etienne Appert. Lovecraft sous toutes ses formes, dans toutes ses métamorphoses, habité par des styles et des approches toujours différentes mais systématiquement de qualité, aboutissant certainement à l’un des volumes les plus réussis de cette nouvelle 3ème génération Métal Hurlant.
Pendant que les champs brûlent
Et la réussite n’est pas que du coté de la BD (80% du pavé tout de même) mais aussi de celui du contenu éditorial qui fournit, entre autres, une interview passionnante de S.T. Joshi, critique littéraire spécial de l’auteur, qui en dessine un portrait bien plus nuancé et complexe que le simple « reclus de Providence », une rencontre évidente avec l’illustrateur / peintre François Baranger dont les adaptations illustré de H.P. sont devenues elles-mêmes des classiques et incontournables, ou une autre avec le fameux créateur du mythique jeu de rôle L’Appel de Cthulhu (responsable de la redécouverte des écrits dans le monde). La partie rédactionnelle n’est pas en reste, revenant sur l’expérience vidéoludique révolutionnaire Alone in the Dark de Frédérick Raynal, l’expérimentation métal rock symphonique de Metallica avec leur mythique The Call of Ktulu sur l’album Ride the Lightning et n’oubliant bien entendu pas de rappeler, en présence de son dessinateur Jacen Burrow, que le Providence d’Alan Moore est la meilleure adaptation au monde de Lovecraft.
Un numéro évènement qui sent bonn la marée basse, le lichen et les poissons crevés, les nuits tempétueuses baignée dans la torpeur des nuits trop chaudes, les fantasmes malsains et les apocalypses qui n’ont pas pris leurs RTT. Un quasi sans faute bourré d’inventivité et de performances visuelles, de genres, de style, d’intentions, mais toujours sous l’œil chaleureux des grands anciens.