MÉTAL HURLANT N°10 : LA MÉCANIQUE DU GRAIN DE SABLE

France – 2024
Genre : Science-Fiction
Dessinateur : Fabrizio Dori, Richard Marazano, Jose Luis Munuera, Grégory Panaccione, Sandrine Revel, Christophe Chabouté, Maria Protas, Ké Clero…
Scénariste : Jean-Pierre Dionnet, Yann Bécu, Théa Rojzman, Pog, Harry Bozino…
Nombre de pages : 272 pages
Éditeur : Les Humanoïdes Associés
Date de sortie : 21 février 2024
LE PITCH
Tout commence un matin, dans la normalité rassurante de notre quotidien. Comme venue de nulle-part, une anomalie surgit soudain. Elle semble anodine et sans la moindre importance, mais elle va faire basculer notre existence dans une autre réalité, nous plongeant parfois dans le fantastique, parfois dans la science-fiction ou même quelquefois dans l’horreur. Plus rien de ce qui nous entoure n’aura encore la même signification.
Un cri à l’autre bout de la rue
Déjà 10 numéros pour la refonte trimestrielle de Métal Hurlant ! Auxquels commencent d’ailleurs à s’ajouter quelques hors-série et numéros spéciaux (le retour de Ah ! Nana, un futur numéro spécial Chat…), question de se rassurer sur le succès de la formule. Ici donc comme toujours des articles journalistiques, des interviews, une nouvelle et surtout de la BD SF de très haut niveaux.
Puisqu’il faut bien un thème pour coordonner tous les auteurs et artistes participants et donner une certaine logique au navire collégial, ce 10ème numéro de Métal Hurlant tourne autour de la notion du grain de sable, du petit rouage qui se grippe, de l’incongru qui met les pieds dans le plat d’un quotidien bien rangé. Cela peut être une histoire d’amour dans une colonie martienne où l’on privilégie l’oubli (Prendre la vague de Yann Bécu et Masha Moran), un simple trou dans le mur qui apparait après une rupture violente (Le Trou par Eliot), une voiture qui disparait dans une banlieue américaine bien rangée (Life in a Day par Jean-Philippe Peyraud et Antonio Lapone), une brèche dans la réalité qui apparait sur une plage (le poétique Brèches de Yuri Campos), Dieu qui choisit comme lieu de retraite la salle de bain d’un quidam (Une Petite fin du monde de Fabrizio Dori) ou même la triste journée d’un auteur qui tente de contacter l’URSAFF dans le très personnel et terriblement bien vu Ne Quittez pas de la « star » Chabouté.
Alliages
De l’humour beaucoup, quelques échos philosophiques, politiques, voir métaphysiques, ou même une fable extrêmement cruelle comme celle de Thomas Bidoult avec ses gentils lapinous toxicos de Touplitou et ses amis, mais toujours d’excellentes surprises où les artistes consacrés et les habitués passent généreusement le relais à quelques signatures inédites et de sacrées découvertes. Un programme riche, aux styles et aux approches variés où on tombe, par exemple, en pâmoison devant le talent visuel du réunionnais Florian Breuil pour donner corps à un trip virtuel et dystopique, mais où on retrouve aussi avec bonheur une petite curiosité joliment absurde échappée des années 70, L’Homme au téléphone, imaginée par Jean-Pierre Dionnet et illustrée par un Margerin en transition. Un grand écart entre les époques, mais qui souligne encore et toujours un riche héritage.
Et en l’occurrence, le Métal Hurlant nouveau concrétise de mieux en mieux son retour à un contenu résolument « magazine », multipliant les rubriques avec les interventions cinéma d’Otto Madox (et ici son listing des films « inquiétants »), quelques pages sur les essentiels DVD / Bluray de la saison, le re-retour du Mange-Livres, une nouvelle inédite et tarabiscotée signée Richard Marazano et même un dossier débat sur l’impact du fameux Barbie. Et le contenu, bien riche, ne s’arrête pas là puisque l’équipe rédactionnelle multiplie les rencontres, ici avec Catherine Robbe-Grillet, romancière, actrice et maitresse SM, le réalisateur Bertrand Mandico pour la sortie de son Conann et surtout le pape hirsute Alan Moore dans une ultime réflexion sur la fin des comics de super-héros.
Roboratif, éclectique, passionnant, toujours un poil bordélique, Métal Hurlant c’est mieux que de la lecture de plage, c’est de la lecture de bitume.