MERMAID SAGA T.1
人魚の森 – Japon – 1988/1989
Genre : Fantastique, Horreur
Scénariste : Rumiko Takahashi
Illustrateur : Rumiko Takahashi
Éditeur : Glénat
Pages : 400 pages
Date de Sortie : 20 octobre 2021
LE PITCH
Parce qu’il a mangé la chair d’une sirène, Yuta est devenu immortel. Depuis des siècles, il traverse le Japon à la recherche d’une de ces femmes-poissons qui pourra enfin lui permettre de vieillir. Mais ces créatures envoûtantes sont aussi belles que dangereuses et c’est dans le sang et les sacrifices qu’il va les retrouver…
Le chant de la mort
Après avoir abandonné la série au bout d’un seul et unique tome très incomplet en 1998, Glénat revient enfin à Mermaid Saga avec une réédition intégrale en deux imposants volumes. Excellente nouvelle pour les fans de Rumiko Takahashi qui peuvent enfin découvrir dans de bonnes conditions sa création la plus sombre et mélancolique.
Consacrée depuis longtemps, et c’est mérité, Reine du manga, Rumiko Takahashi reste tout de même surtout connue pour ses œuvres les plus fantaisistes, combinant souvent comédie romantique délurée, action improbable et une grande dose d’humour fantaisiste à l’instar de Ranma 1/2. Et ses lecteurs les plus assidus furent sans doute bien surpris lorsque celle-ci entama en 1988, alors déjà bien occupée par le frappadingue Urusei Yatsura (aka Lamu) et l’irrésistible Maison Ikkoku, une troisième série : Mermaid Saga. Un voyage au travers d’un japon contemporain (avec quelques chapitres plus anciens aussi) où les mysthiques sirènes vivent certes cachées, retranchées, mais sont bel et bien réelles. Si on les croise sur quelques illustrations sous leur forme la plus séduisante de créatures mi-femmes mi-poisson, elles sont tout aussi présentes sous un visage beaucoup plus monstrueux, créatures s’entre-dévorant pour préserver leur immortalité dès le premier chapitre. Des créatures cannibales, peu aguichantes, mais aussi les victimes bien souvent d’une traque inlassable de la part de nombreux humains qui espèrent en dévorant leur chair, échapper à la mort. Même s’ils risquent là de ne pas survivre à l’opération ou de se transformer en « abominations ».
En eaux profondes
Publiées entre 1984 et 1994 sous la forme de 16 chapitres (pour neufs histoires), Mermaid Saga est constamment travaillé par cette question de l’immortalité, primordiale et centrale, qui révèle bien évidement la part la plus sombre des personnes que Yuta et Mana vont rencontrer au cours de leur propre quêtes. Ils sont immortels malgré eux, recherchant justement un moyen d’échapper à leur malédiction, alors que les autres sont mortels dévorés par leurs ambitions, leurs peurs, ou leurs jalousies, et n’hésiteront pas à éliminer brutalement ceux qui se mettent sur leur chemin. L’humanité des immortels face à l’inhumanité des mortels, Mermaid Saga creuse peu à peu sa propre mythologie, donne à découvrir de nouvelles conséquences de l’ingestion de chair de sirène, revient dans le passé de Yuta et prend alors presque la forme d’une série anthologique aux épisodes séparés les uns des autres. La forme est assez classique pour l’époque finalement, mais Takahashi la maîtrise parfaitement, offrant des scénarios toujours bien tenus (même si parfois peu originaux), des personnages accrocheurs et travaille surtout une atmosphère macabre envoûtante. Quelques notes d’humour doucement décalé se laissent entrevoir (surtout par le biais de la naïve Mana), la trame amorce un début de romance entre les deux jeunes héros, mais clairement Rumiko Takahashi prend ici beaucoup de risque en faisant généreusement contraster son graphisme doux et dynamique, avec une violence étonnante et des détails scabreux et mortifères. Une œuvre à part dans sa carrière (même si on en retrouve des échos dans Inu-Yasha ou Mao) qui donne la sensation de découvrir un versant plus adulte et plus poétique de la mangaka.