MENTAL INCAL
The Incal : Psychoverse – États-Unis, France – 2022
Genre : Science-Fiction
Dessinateur : Yanick Paquette
Scénariste : Mark Russell
Nombre de pages : 112 pages
Éditeur : Les Humanoïdes Associés
Date de sortie : 03 mai 2023
LE PITCH
L’Incal, entité-artefact la plus puissante de l’univers, a disparu. Les Psycho-nonnes se mettent à sa recherche, quitte à pulvériser tout sur leur passage. Mais elles ne sont pas les seules en quête de l’objet sacré : La reine Tanatah ainsi que l’empire Berg sont aussi sur ses traces… Le détective de classe R John Difool se retrouve embarqué malgré lui dans cette course dangereuse, dans laquelle il croisera la route du Méta-Baron.
Ce qui est entre-deux
Avant un hypothétique film réalisé par Taika Waititi bien plus frileusement attendu depuis la découverte de Thor Love And Thunder, Les Humanoïdes Associés développent d’ores et déjà l’univers de L’Incal aux États-Unis avec de nouveaux album inédits comme Mental Incal, réinterprétation culottée de la BD culte.
Là-bas aussi la création d’Alejandro Jodorowsky et de Moebius est culte et fut un véritable choc lors de sa découverte à la fin des années 80 dans les pages d’un certain Heavy Metal. Les Humano a donc lancé une expérience en trois temps qui avait débuté par Kill Tête-de-chien par Brandon Thomas et Pete Woods et qui se poursuivra avec Capitaine Kaïmann de Dan Watters et Jon Davis-Hunt, mais certainement que le plus intriguant restait ce Psychoverse très intelligemment renommé Mental Incal pour la version française. Une trame au plus près de l’œuvre originale et qui plus est confié à deux pointures des comics : Mark Rusell (Not All Robots, Prez, Second Coming, The Flinstones) spécialiste de la comédie sociale irrévérencieuse et le plus que talentueux Yanick Paquette (Batman Incorporated, Wonder Woman Earth One, Ultimate X-Men). Il n’empêche qu’aller se frotter directement à la trajectoire hautement bordélique de John Difool, toujours accompagné de son ptérodactyle bavard Deepo, semble plutôt osé quand en plus on vend directement son album comme une prequelle à L’Incal… Alors que l’excellent Avant L’Incal existe déjà. Sacré puzzle dont semble se moquer un peu Mark Russell qui insinue aux forceps son propre trip quelques heures seulement avant le début du premier L’Incal Noir, imaginant les raisons de l’arrivée de l’artefact magique dans les rues puantes de la Cité Puit, mais aussi d’une certaines façon les origines des filaments de destiné qui le relient déjà à Difool, au Métabaron, à Kill, et même à la planète des Berg, ces aliens clones dirigés par une déesse-mère.
Essence distillée
Le scénariste mélange souvenirs et fantasmes d’un univers déjà bien psychédélique et y ajoute un monde parallèle, le Psycho-monde, où vont les êtres vivants après leur première mort, et dont s’extirpent les représentantes de la secte des psycho-nonnes pour retrouver l’incal dérobé. Mental Incal alterne alors les points de vue, multiplie les passages d’un monde à l’autre, le tout baigner dans une mélasse de clin d’œil à la saga canonique, s’efforçant d’apporter sa propre petite pierre à l’édifice. Mais comme pour le précèdent album Kill Tête-de-chien, il manque la légèreté et la folie profondément libre de Jodo, remplacée certes par un talent évident, une compréhension plutôt attachante des personnages et du décor, mais là où le premier expérimentait, le second ne fait que développer, façon univers étendu, exactement comme un comic américain le ferrait de tout autre univers. On s’amuse forcément du comportement toujours aussi roublard et calamiteux de John Difool, on embarque dans la quête cosmique du Metabaron et on prend plaisir à découvrir les descriptions ubuesques du fonctionnement administratif délirant de cette société humaine décadente, mais on n’est jamais transporté comme on l’espérait. Pourtant, Yanick Paquette y met lui aussi toutes les meilleures volontés du monde, développant des pages extrêmement riches et fouillées apportant une petite touche de modernité aux designs originaux, s’imposant effectivement comme un digne descendant du génial Moebius. On imagine ce que pourrait donner ses talents sur une nouvelle saga Space Opera façon Technopères si elle était signée par Jodorowsky en personne ! C’est bien là le problème d’un projet comme Mental Incal : l’ombre du gourou prend beaucoup de place.