MARA : INTÉGRALE
Mara T.1 à 5 – Italie – 2011 / 2017
Genre : Thriller, Érotique
Dessinateur : Cosimo Ferri
Scénariste : Cosimo Ferri
Nombre de pages : 240 pages
Éditeur : Tabou Edition
Date de sortie : 23 octobre 2024
LE PITCH
Mara, 29 ans, est écrivaine de romans policiers, passionnée de cas non résolus. Pour mener à bien ses projets éditoriaux, elle mène l’enquête et, souvent, démasque l’auteur des crimes. Mais c’est là que se révèle la face sombre de la jolie jeune femme: N’ayant aucune confiance dans la justice des hommes, elle décide d’être la main de Dieu et de châtier elle-même le coupable. Belle et désinhibée, elle sait fort bien attirer sa proie vers la toile qu’elle tisse tout au long de l’histoire.
Les secrets de son corps
Édités pour la première fois de 2011 à 2017, les cinq tomes de Mara marquaient la rencontre entre l’artiste italien Cosimo Ferri, pratiquant aujourd’hui l’édition distincte pour ses Ulysse et Achille avec version porno (chez Tabou) ou très softs (chez Graph Zeppelin), avec le lectorat français. Un polar, thriller porno sur fond de fantastique et de délires ésotériques. Oui, vaste programme.
Le premier tome de Mara, La Folie lucide, est même l’un des tout premiers travaux professionnels de Cosimo Ferri et avec les années de distance cela se voit forcément : les dessins sont encore très fragiles, les personnages parfois rigides et peu expressifs, le découpage trop sobre et la colorisation est encore bien loin de la patine ultra-réaliste qu’on lui connait. Même l’histoire plaçant la romancière libertine et échangiste Mara pour quelques jours dans une maison aristocrate avec crimes et secrets sordides à la Agatha Christie, fait un peu exercice scolaire. Les scènes de sexes, nombreuses et particulièrement explicites (madame est vraiment très ouverte) tombent régulièrement comme une touffe dans la soupe. Pourtant, cette volonté de marier un véritable scénario, de travailler une ambiance à l’ancienne avec déjà un petit soupçon de fantastique et d’épouvante, avec un programme pour adulte, reste plutôt rare dans le genre. Surtout, par son mélange d’incorrection et d’élégance, sa faim de sexe insatiable et son esprit pointu, et son physique élancée particulièrement attirant, Mara s’impose effectivement comme un personnage à suivre.
La tête et les jambes
C’est véritablement avec le second album publié deux ans plus tard que la série prend forme, la plaçant justement directement au centre d’une vaste trame mêlant kidnapping d’une adolescente, meurtre d’une diva de l’opéra, cadavres momifiés dissimulés dans la cave de l’époux et une omniprésente société secrète tentaculaire bien incrustée au Vatican. Désormais l’horreur et la violence s’ancrent directement dans le cœur du récit, les meurtres s’enchainent aussi vites que les révélations et les partenaires (hommes, femmes, couples, transsexuels… peu importe nous dit-elle), mais Cosimo Ferri ne perd jamais de vue ni la mise en place d’un scénario complexe s’engouffrant dans le passé trouble de l’héroïne, jouant avec quelques pouvoirs latents (visions des morts et résistance hors du commun), jusqu’à un final aux inspirations gothiques totalement assumées. Une sorte de grand fourre-tout où l’auteur mélange toute ses aspirations, ses envies, ses influences (du roman noir au giallo en passant par les fumetti de cul) qui forcément n’est finalement pas toujours si simple que cela à suivre et donne aussi régulièrement l’impressions que ce dernier abandonne en cours de route quelques pistes et personnages, exactement comme Mara se lance dans une nouvelle histoire de passion charnelle et parfois même d’amour.
Programme sacrément copieux donc, auquel il faut ajouter les incontournables, et torrides, parties de jambes en l’air toujours très libres et sans fausses pudeurs, où on voit aussi rapidement la progression constante et spectaculaire du dessinateur aboutissant dans le dernier tome, La Main de dieu, à une patine extrêmement fouillée, aux contours finement brossés, aux formes docilement détaillées, et une colorisation en couleurs directes dont les matières et les ombrages offrent un réalisme troublant. De quoi démultiplier les effets d’une aventure déjà bien corsée.