Coloriste de grande qualité ayant apposé son talent sur des séries comme Jeanne la pucelle, Pavillon noir ou Marie des dragons, Nicolas Bastide revient à la bande dessinée mais en endossant cette fois-ci toutes les postes. Il est ici toujours responsable de ses teintes naturellement, mais il prend aussi la place enviée du dessinateur et même du scénariste. Un artiste complet, qui dès lors peut s’efforcer de nous faire entrer dans une histoire tout à fait personnelle qui, on le sent fortement, a besoin de se libérer des contingents classiques. Magma croise ainsi deux histoires. Celles de deux « victimes » de cette curieuse île de Core, frappée par un étrange mal dans une même zone proche du volcan qui en constitue la base. Les deux s’évanouissent sans cause apparente. Mais la petite Sarah elle finit par se réveiller, racontant à qui veut bien l’entendre de drôles d’histoires d’un monde de lave et d’esprits qui n’est pas aux goût du reste des habitants ni de ses parents qui finissent par l’envoyer à Horntown sur le continent au sein d’un ordre religieux autoritaire. Son destin intéressera Asiel quelques 40 ans plus tard alors qui part en quête d’un médecin pour sauver sa compagne toujours plongée dans ce mystérieux coma. Il remonte le fil par le biais d’un journal intime, mais aussi en retraversant les rues traversées par Sarah et en retrouvant sa seule camarade de couvent.

Un être s’éteint

Dans une Irlande à la fois réaliste et étrange, proche et légèrement lointaine, Nicolas Bastide compose un bien curieux voyage, jamais très loin de l’enquête policière, du drame historique ou de la quête fantastique, mais sans jamais emprunter distinctement un chemin plus que l’autre. Sur fond de vieille légende, d’obscurantisme sectaire et de mysticisme tellurique, Magma donc, donne vie à un monde bien sombre, obscure et souvent insondable ou finalement seul le rouge des profondeurs de la terre semble amener quelques lumières autant dans la voie de nos personnages que dans la composition des planches. Visuellement le travail du dessinateur est vraiment saisissant avec son traitement très particulier des couleurs et des matières cendrées et terreuses, ses traits charbonneux et quelques visions gothiques aux compositions bien senties autant que de superbes paysages désolés et rocailleux. Dans le fond cependant, il n’est pas toujours aisé de suivre l’auteur dans les méandres de son histoire, quelque-part entre le mythe d’Orphée et une Alice anticléricale, jalonnant son récit de scènes parfois à l’utilité laissant dubitatif, ne réussissant pas totalement à convaincre sur le point de jonction entre les deux temporalités. On ne sait pas vraiment où son écriture veut nous mener jusqu’à une élévation finale, vision ésotérique et poétique particulièrement graphique, mais dont le sens nous laisse un peu dubitatif… ou du moins dérouté.  

Indéniablement un très bel album, visuellement maitrisé et au style tout à fait original, mais dont l’histoire se disperse et ne semble pas totalement arriver à destination. Peut-être sommes nous aussi tout simplement passé à coté…