Ils ne faisaient pas bon de faire partie du clergé dans la France de l’après 1789. Les églises pillées, les croix déboulonnées, les monastères ravagés et les prêtres humiliés : le peuple et la Convention n’ont pas toujours eu de quoi être fiers. La religion était donc balayée, interdite, et pourtant deux prêtres bravent l’interdit et s’embarquent en direction de la Wallonie, une sainte relique de Saint Sulpicin sous le coude dans l’espoir de retrouver une cache pour catholique persécutés datant de quelques siècles à peine. Une quête sacrée presque, et surtout particulièrement dangereuse puisqu’en plus d’avoir quelques troupes sans-culottes dans leur sillage, nos braves aventuriers en bure ont réussi à attiser la colère de quelques sorcières wallonnes, connues sous le nom des macrales. Entre grande histoire et épopée mineure et fantastique Macrales et Corbeaux mène joliment sa barque en multipliant les échauffourées, les tirs de carabines, les traquenards des vilaines harpies, dont réussissent toujours à s’échapper in extremis Antoine, le plus jeune et le plus rigoureux des deux, et Martin, vieux roublard qui n’hésite pas à transiger avec les règles car « c’est l’époque qui veut ça ».

Culte interdit

Sans tomber dans les mêmes pitreries, on pourrait presque retrouver ici une variation autour du duo gaffeur de Les exploits d’Odilon Verjus, mais dans un contexte plus ancien et surtout une atmosphère plus sombre et dramatique. C’est qu’au-delà de leurs régulières prises de becs, ce road-trip westernien préserve quelques petits secrets honteux qui ne seront révélés que dans les dernières pages, venant appuyer un album qui n’exclut pas d’illustrer les petits arrangements des uns et des autres avec les commandements.  Ponctué de jolis passages contemplatifs mettant parfaitement en valeur les paysages neigeux et crépusculaires de la Wallonie, Macrales et corbeaux ne peut que faire un peu penser parfois dans sa ligne claire, son encrage léger et ses contours un peu naïf, à d’illustre Larcenet ou Bonhomme, mais sait aussi imposer sa marque dans l’exergue mis sur les décors montagneux et naturels. Il faut dire que le « jeune » auteur répondant, sobrement, au nom de Ghi, est aussi garde forestier à ses heures. De nombreuses heures de marches, d’exploration et d’observation qui transpire dans chaque planche, donnant justement à ces arrière-plans brossés avec finesse et économie, quelques instances d’éternité au milieu desquels cette petite farce humaine peut sembler bien vaine.