L’ŒIL DU MARABOUT

France – 2024
Genre : Aventure
Dessinateur : Jean-Denis Pendanx
Scénariste : Jean-Denis Pendanx
Nombre de pages : 160 pages
Éditeur : Daniel Maghen Editions
Date de sortie : 7 février 2024
LE PITCH
Le camp de Bentiu est coupé du monde, au fin fond de la savane, dans le nord du pays. Il a été bâti pour accueillir les réfugiés fuyant la guerre civile qui sévit depuis huit ans. Nialony, comme de nombreux enfants, a été séparée de ses parents pendant le conflit. À son arrivée au camp, elle retrouve son frère Georges qui la prend sous son aile.
« c’est déjà ça »
2016, Jean-Denis Pendanx part au Soudan, en pleine guerre civile, avec une mission humanitaire de l’UNICEF et découvre la réalité des camps de réfugiés. Une expérience marquante dont il tire aujourd’hui un bel album, entre document illustré et aventure à hauteur d’enfant.
Sur place l’auteur d’Au bout du fleuve, et illustrateur de Le Maitre des crocodiles, Svoboda ! ou Jéronimus, donne entre autres des cours de dessins aux gamins survivants. La timide mais curieuse Nialony et le débrouillard et doué George sont bien de ceux-là, mais tout en gardant leur traits physiques et leur personnalité, Jean-Denis Pendanx leur imagine un lien de parenté et en fait le fil rouge de son album. Ils sont tout d’abord les témoins des lieux, George faisant traverser, après leurs retrouvailles, les principaux emplacements de cet immense « village » entouré de barbelés et surveillé par les casques bleus, montrant à la fois comment la vie reprend forcément son chemin, mais aussi l’importante précarité et parfois même dangerosité à laquelle ils sont confrontés. Un bon moment en somme pour transmettre au lecteur l’atmosphère et la réalité de leur cadre de vie, mais aussi pour donner corps à de nombreux informations sur les enjeux de la guerre en cours, économiques et culturels, le destin des enfants soldats, les familles déchirées, les peuplades massacrées, mais aussi les contrecoups terribles que ces affrontements font peser sur la faune et la flore de cette gigantesque réserve naturelle africaine. Il brosse aussi le portrait d’agents humanitaires partageant un passé parfois très proche de ceux qu’ils doivent protéger, mettant leur vie en danger et surtout s’efforçant de transmettre l’espoir malgré tout.
Retranchés
Comme un traveling, mais que l’artiste ne veut pas circonscrire à un documentaire imagé, à un carnet de voyage élaboré, aussi éloquentes que soient ses superbes planches, délicatement réalistes, admirablement peintes en couleurs directes. Il y insuffle alors régulièrement quelques éléments de fiction. En particulier un terrible, mais crédible, kidnapping des deux enfants dans leur tente en pleine nuit, emmenés au fond de la savane par l’une des milices locales où lui sera obligé de prendre les armes et elle confiée à la garde des femmes en attendant qu’elle devienne plus utile en grandissant. Le triste destin de ceux qui n’ont pas être recueillis par les Nations Unies en sommes, illustré en quelques instantanés, avant que nos héros ne s’échappent et ne s’efforcent de retrouver les leurs en traversant des paysages particulièrement hostiles. Une partie romancée qui tranche finalement trop avec le reste et qui surtout parait moins aboutis que les parties plus proches du reportage. Un peu dommage car là où L’œil du marabout réussi vraiment à se doter d’une autre dimension, c’est lors de ces petits instants volés entre la mignonne Nialony et un gigantesque marabout, personnification de l’âme du pays et des forces de la nature, où un véritable dialogue, magique, s’ouvre entre eux deux. Une poésie mélancolique, jamais fataliste, pertinente et utile. Et question « utile », il est important de rappeler que chaque vente d’album sera synonyme d’un don de 80 centimes à l’UNICEF.